"Isabelita" l'Argentine à Genève
"Isabelita" l'Argentine à Genève
María Estela Martínez de Perón, surnomée "Isabelita", a été vice-présidente de l'Argentine de 1973 à 1974, puis présidente de 1974 à 1976. Elle est la première femme à avoir accédé, sur le continent américain, à de hautes fonctions gouvernementales.
Troisième épouse du dictateur Juan Perón, María Estela Martínez de Perón poursuit la politique sociale de son mari, avant d'être renversée par un coup d'état militaire en 1976.
Depuis son élection à la présidence de l'Argentine en 1946, Juan Perón a mené d'importantes réformes du travail et des politiques sociales, teintées d'autoritarisme. Durant cette première phase du péronisme, Juan Perón a pu compter sur le soutien du Partido Laborista, de la Confédération générale des travailleurs argentins et de la classe ouvrière, avant d'être renversé par un coup d'État en 1955.
Alors en exil au Panama, Juan Perón rencontre María Estela Martínez, danseuse de cabaret, et l'épouse en 1961 à Madrid. De retour en Argentine en 1972, Juan Perón est élu président en 1973 et María Estela Martínez vice-présidente. Cette dernière phase du péronisme se déroule dans un contexte international et national bouleversé. Au Chili, Salvador Allende est renversé en 1973 par un coup d'État militaire organisé avec le soutien de la CIA, menaçant la démocratie sur l'ensemble du continent. La crise pétrolière menace quant à elle l'État-providence argentin et compromet toute possibilité de développement de nouvelles politiques sociales.
En juin 1974, María Estela Martínez de Perón accepte l'invitation de Francis Blanchard, directeur général du Bureau international du travail, et participe à la Conférence internationale du travail et au banquet organisé en son honneur. Cette visite est l'occasion de rappeler les liens anciens entre l'OIT et l'Argentine, membre de l'organisation depuis 1919. Elle coïncide avec une réforme de la loi argentine sur les relations industrielles à laquelle ont participé la Confédération générale du travail, représentant les travailleurs argentins, et la Confédération générale économique, représentant les employeurs du pays. Dans son discours devant la Conférence, teinté d'idéalisme et d'une certaine naïveté dans la conception de l'harmonie des travailleurs et des peuples qu'elle défend, María Estela Martínez de Perón revient sur les grandes avancées de la politique sociale en Argentine, menacées par les bouleversements contemporains:
"Le monde vit des heures de changement profond qui, presque insensiblement, touche la race humaine, la détourne de ses chemins naturels. Les progrès de la technique et du pouvoir industriel font perdre les possibilités de l'esprit et l'être humain va se figer sans peut-être même le remarquer [...] La société de consommation, entraînée dans un océan de publicité pernicieuse, perd le sentiment de la communauté ; il n'y a plus que des secteurs étanches les uns aux autres qui luttent chacun pour augmenter un pouvoir qui, en fin de compte, les conduira à la ruine totale de l'individualité humaine" (1). Ces mots prononcés en 1974 n'ont pas perdu de leur actualité.
Véronique Stenger pour geneveMonde.
Source de la photo: María Estela Martínez de Perón, vice-présidente de la République argentine, lors de sa venue à Genève à l'occasion de la Conférence internationale du travail de juin 1974. Elle participe à un banquet en compagnie de Francis Blanchard, directeur général du BIT et signe le livre d'or. Archives du Bureau international du travail, Genève.
Références:
- Discours de María Estela Martínez de Perón. Actes de la Conférence internationale du travail, 20 juin 1974, p. 475. Archives du Bureau international du travail, Genève.
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