Sur les traces des figures féminines de la Genève internationale
Eglantyne Jebb : La femme qui a œuvré pour les droits des enfants
Eglantyne Jebb est une des figures emblématiques de l’internationalisme genevois, dont l’impact transcende les frontières du temps et de l’espace. Son héritage perdure dans les luttes pour la protection des enfants à travers le monde, confirmant ainsi que Genève est non seulement un centre de diplomatie mais aussi un phare pour les réformes humanitaires globales. En son honneur, le Parc des Acacias a été renommé Parc Eglantyne Jebb en 2021.
Enfance dans l’Angleterre Victorienne
Née en 1876 à Ellesmere, dans le comté de Shropshire, au sein d’une famille de propriétaires terriens prospère, Eglantyne ne suit pas le chemin traditionnel de l’école. Sa formation est assurée à domicile par une gouvernante et sa tante, mais dès son plus jeune âge, elle nourrit des ambitions littéraires et rêve de devenir correspondante de guerre . En grandissant, elle poursuit ses études à Oxford et obtient un diplôme d’histoire du Lady Margaret Hall. Sa santé fragile l’oblige à se réorienter et c’est ainsi qu’elle se tourne vers la philanthropie, s’engageant avec passion dans des œuvres de bienfaisance et rejoignant le mouvement des suffragettes.
Engagement : Sauver les enfants
En mai 1919, les journaux britanniques rapportent l’arrestation d’Eglantyne Jebb à Trafalgar Square. De quoi l’accuse-t-on ? De distribuer des tracts appelant le gouvernement à mettre fin au blocus des puissances centrales. Le Times consacrera un article à l’affaire intitulé « Raise the Blockade Leaflets ». Le tract d’Eglantyne est particulièrement percutant. Il présente la photo d’un bébé autrichien affamé accompagnée de la déclaration suivante :
« Millions of children are suffering in health, thousands actually dying: we must save them, but we can only do so if we put aside political animosities and unite... To save them is more important than...boundaries, indemnities, or any political question» [1].
Ce tract annonce aussi la création imminente d’une nouvelle organisation caritative, le Save the Children Fund, qui sera lancée lors du prochain rassemblement du Fight the Famine Council. Pour Eglantyne, le Save the Children Fund ne se contente pas d’être une organisation caritative; il représente une vision ambitieuse de fusionner "l’action sociale bénévole" et la "responsabilité mondiale", et elle "s’y est investie corps et âme"[2].
La Déclaration des droits des enfants : Eglantyne Jebb à Genève
Le 29 novembre 1919, un mémorandum annonce l’ouverture prochaine d’un bureau du Save the Children Fund à Genève, dans les locaux du Comité International de la Croix-Rouge . Bien qu’Eglantyne ne réside pas à Genève, elle y consacre une partie importante de son temps pour ses engagements professionnels et ses travaux, utilisant la ville comme un pont pour relier ses idées aux institutions internationales.
En 1922, Eglantyne alors à la tête d’un groupe de féministes, pacifistes et intellectuels , se lance dans la rédaction de la « Déclaration des droits de l’enfant » qui sera ratifiée par la Société des Nations en 1924 sous le nom de la Déclaration de Genève . Bien que souvent mythifiée comme ayant été conçue lors d’une promenade solitaire sur les hauteurs du lac Léman, cette dernière est le fruit d’un travail collectif rigoureux .
Adoptée en septembre 1924 , cette charte devient la pierre angulaire des droits de l’enfant, influençant la Déclaration des Nations Unies de 1948. Elle bénéficie notamment du soutien de Gustave-Ador, ancien président de la Confédération et alors à la tête du CICR.
Le 14 août 1924, elle obtient la permission exceptionnelle de prononcer un sermon sur la Déclaration de Genève à la cathédrale Saint-Pierre de Genève, un privilège rare pour une femme à l’époque. Intitulé « The Claims of the Children », ce sermon représente un accomplissement personnel majeur pour Eglantyne, qui s’adresse alors à une audience de 500 personnes. Ce sermon, comme d’autres écrits d’Eglantyne, constituent un témoignage précieux de son engagement indéfectible pour la protection des enfants et assure que sa mémoire perdure à travers son œuvre.
Postérité d’Eglantyne Jebb : Un Héritage Durable
La dernière résidence d’Eglantyne Jebb fut en Suisse, où elle consacra toute son énergie à renforcer le prestige de son organisation. Malgré une santé fragile, elle s’illustra par ses efforts afin de développer le Save the Children Fund, apprenant le chinois , composant de nombreux poèmes et voyageant dès qu’elle en avait l’occasion. En juillet 1928, son état de santé se détériore et elle est hospitalisée à Genève. Optimiste, Eglantyne poursuivit son travail pour la fondation depuis son lit d’hôpital, dictant des lettres et des directives jusqu’à son décès le 17 décembre 1928, à la suite d’un AVC . Conformément à son souhait, elle fut enterrée à Genève. Sa tombe se trouve aujourd’hui au Cimetière des Rois. En son honneur, le Parc des Acacias a été renommé Parc Eglantyne Jebb en 2021.
Eglantyne Jebb reste ainsi une des figures emblématiques de l’internationalisme genevois, dont l’impact transcende les frontières du temps et de l’espace. Son héritage perdure dans les luttes pour la protection des enfants à travers le monde , confirmant ainsi que Genève est non seulement un centre de diplomatie mais aussi un phare pour les réformes humanitaires globales.
Notes:
- Une suffragette de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté. Cf. Mahood Linda, Feminism and Voluntary Action, op. cit., p.142.
- Ibid., p. 165.
Bibliographie:
- Archives d’Etats genevois, Déclaration de Genève, 26 septembre 1924, (archives-etat-ge.ch/page_de_ba...), consulté le 27 avril 2024.
- RTS, « Eglantyne Jebb a fait son entrée au Cimetière des Rois, le Panthéon genevois », 8 février 2024, (rts.ch/info/regions/geneve/202...), consulté le 21 septembre 2024.
- Save the Children Fund, “Where We Work”, (savethechildren.net/where-we-w...), consulté le 18 septembre 2024.
- Save the Children Fund, “Meet Eglantyne Jebb”, (savethechildren.org/us/about-u...), consulté le 18 septembre 2024.
- BUXTON Dorothy F., The White Flame : The Story of the Save the Children Fund, London, 1931.
- DEUBER ZIEGLER Erica (éd), Les femmes dans la mémoire de Genève : du XVe au XXe siècle, Genève, 2005.
- MULLEY Clare, The Woman Who Saved the Children: A Biography of Eglantyne Jebb, Founder of Save the Children, Oxford, 2010.
- MAHOOD Linda, Feminism and Voluntary Action : Eglantyne Jebb and Save the Children, 1876-1928, Basingstoke, 2009.
Camille Vidart: une féministe engagée à Genève et au-delà
« C’est, nous l’avons dit, et nous insistons, par esprit de justice entre les sexes qu’elle a été féministe, suffragiste convaincue et courageuse. »
Cet extrait tiré du journal Le Mouvement Féministe, rend hommage à Camille Vidart qui vient tout juste de décéder en 1930 . L’article de journal, résume les différents moments de sa vie marquée par sa volonté d’améliorer la condition féminine en Suisse mais également à l’échelle internationale. D’après l’article, Camille Vidart a « cette sorte de répulsion innée pour toute rédaction écrite, qui a rendu si rare tout article, toute étude, toute lettre signée par elle. » Ainsi, s’il existe très peu de sources écrites de sa main, certains de ses discours sont retranscrits comme celui qu’elle donne pour le 10ème Congrès international des femmes organisé par le Conseil National des Femmes Françaises durant le mois de juin 1913 à Paris.
Camille Vidart est née le 14 février 1854 à Divonne-les-Bains. Son père Alphonse Vidart est médecin et français et sa mère Jeanne-Louise Vidart est Genevoise. Sa grand-mère maternelle s’engage envers les jeunes filles des milieux pauvres en créant une école de broderie et de couture pour les accueilli . La jeune Camille Vidart grandit chez sa tante à Genève après avoir perdu sa mère très jeune et se destine à une carrière d’enseignante en décrochant son diplôme supérieur de français à l’Université de Lyon. En 1880, elle postule pour un poste de professeur de français à l’école de filles de Zurich. Son prénom mixte induit en erreur la commission de nomination qui pense voir arriver un homme. Mais c’est la jeune professeure de 26 ans Camille Vidart qui se présente devant eux et elle obtient le poste. C’est à Zurich, qu’elle fait la rencontre de Johanna Spyri, l’auteure du célèbre livre Heidi dont Camille Vidart réalise une traduction en français.
Son engagement auprès des femmes à Genève et au-delà
Si elle ne fait pas une carrière en tant que grande écrivaine, elle se bat pour la cause des femmes aux côtés d’autres militantes durant la majeure partie de sa vie. Après avoir travaillé 4 ans à Zurich, Camille Vidart retourne à Lausanne pour enseigner à l’École Vinet. À partir de 1886, elle retourne à Genève dans un contexte où les idées féministes se développent. Elle rejoint l’Union des femmes de Genève fondée en 1891 dont elle devient vice-présidente en 1892 et présidente de 1898 à 1902. En 1896, Camille Vidart est à la tête de l’organisation du premier Congrès suisse des intérêts féminins à Genève lors de l’exposition nationale, dont elle prononce le discours d’ouverture .
Elle participe également à la fondation de l’Alliance de sociétés féminines suisses en 1899 , ainsi qu’à la création du « mensuel suffragiste » Le Mouvement Féministe avec Emilie Gourd et Auguste de Morsier. Elle aide aussi les femmes qui se retrouvent à la rue en louant un grande appartement qui devient un « home coopératif » à Genève dans lequel, ces femmes peuvent vivre .
L’engagement de Camille Vidart se déploie aussi au-delà de Genève. Elle devient secrétaire du Conseil International des femmes de 1899 à 1904 : "c’est, en 1899 également, sa participation au Congrès de Londres du Conseil International des Femmes, et son élection comme secrétaire de séances, poste qu’elle remplit cinq années durant… Et partout, dans toutes ces activités, dans toutes ces formes premières d’organisation de notre mouvement, elle dépense sans compter ses forces et ses dons, répand largement la semence de ses idées, prodigue ses initiatives, l’esprit ouvert, le cœur chaud » [1]. En 1880, Camille Vidart adhère également à la Fédération abolitionniste internationale qui est une association qui œuvre en faveur de la dépénalisation de la prostitution . Camille Vidart entre de plus dans l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes et avec Auguste de Morsier, elle fonde l’Association genevoise pour le suffrage féminin. Elle prend également part en 1909 à la création de l’Association suisse pour le suffrage féminin. Camille Vidart est très active sur le plan international. Elle rentre à l’Union mondiale de la femme pour la concorde internationale ainsi qu’à la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté juste après le début de la Première Guerre mondiale. Elle participe à la création du Bureau international de l’éducation en 1925 avec Edouard Claparède et Adolphe Ferrière et reste dans le comité jusqu’en 1929.
C’est à travers ses engagements, que son nom est mis à l’honneur dans le quartier des Grottes, où l’ancien chemin Louis-Dunant a été renommé chemin Camille-Vidart. Décédée le 28 juin 1930 à Genève, son nom a marqué l’histoire et la mémoire de Genève.
Notes:
- E. GD, « Mlle Camille Vidart (1854-1930) », 1930, p. 110-111.
Bibliographie:
- CONGRÈS INTERNATIONAL DES FEMMES, Œuvres et Institutions féminines. Droits des femmes. Dixième Congrès International des Femmes [organisé par le Conseil national des femmes françaises du 2 au 9 juin 1913 à Paris]. Compte rendu des Travaux par Mme Avril de Sainte-Croix Secrétaire Générale du Congrès, Paris, V. Giard et E. Brière Libraires-Éditeurs, 1914.
- CHAPONNIÈRE, Martine, Devenir ou redevenir femme. L’éducation des femmes et le mouvement féministe en Suisse, du début du siècle à nos jours, Genève, Société d’histoire et d’archéologie, Droz, 1992.
- CHAPONNIÈRE, Martine, « Camile Vidart », in DEUBER ZIEGLER, Erica, TIKHONOV, Natalia (dir.), Les Femmes dans la mémoire de Genève. Du XVe au XXe siècle, Genève, Éditions Suzanne Hurter, (Femmes & Histoire), 2005, p. 116-117.
- E. GD, « Mlle Camille Vidart (1854-1930) », in Le mouvement féministe : organe officiel des publications de l’Alliance nationale des sociétés féminines suisses, n°335, Vol. 18, 1930, (e-periodica.ch/digbib/view?pid...genevemonde.ch/tags/380">#380 ; consulté le 16 septembre 2024).
- Escouade, 100Elles, Pour une féminisation de la mémoire collective genevoise, Chêne-Bourg, Georg, 2020.
- [s.n], Pionnières et Créatrices en Suisse romande, XIXe et XXe siècles, Genève, Slatkine, 2004.
- WOODTLIS, Susanna, Du féminisme à l’égalité politique. Un siècle de luttes en Suisse 1868-1971, traduction de BUGNION-SECRETAN, Perle, ENGEL-MUSSARD, Idelette, Lausanne, Payot, 1977.
- JORIS, Elisabeth, « Alliance de sociétés féminines suisses (ASF) », in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), 09 mars 2023, p. 1-9, (hls-dhs-dss.ch/fr/articles/016... ; consulté le 16 septembre 2024).
- KERGOMARD, Zoé, « Association suisse pour le suffrage féminin (ASSF) », in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), 26 janvier 2021, p.1-4, (hls-dhs-dss.ch/fr/articles/058... ; consulté le 16 septembre 2024).
- LUDI, Regula, « Vidart, Camille », in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), traduit de l’allemand par HANSJÖRG, Roth, 30 avril 2015, p.1-2, (hls-dhs-dss.ch/fr/articles/009... ; consulté le 14 septembre 2024).
- Noms géographiques du canton de Genève, « Chemin Camille-Vidart », noms-geographiques.app.ge.ch/v..., consulté le 16 septembre 2024.
- PIGUET, Laure, « Camille Vidart », in 100elles*, (100elles.ch/biographies/camill... ; consulté le 16 septembre 2024).
Grisélidis Réal: la révolution en marche depuis les Pâquis
La vie de Grisélidis Réal a déjà été racontée, par elle, au travers de son oeuvre; par des journalistes, qui l’ont rencontrée chez elle, aux Pâquis; ou par ceux et celles qui ont, à un moment, été intrigué.es ou fasciné.es, embarrassé.es ou séduit.es, par le discours fin et franc de la plus célèbre et la plus engagée des prostituées genevoises.
Grisélidis voit le jour en 1929 à Lausanne, fruit d’une idylle née au parc des Bastions entre Walter et Giselle, deux lettré.es venu.es étudier à Genève. Griselidis grandit, vit ses premiers amours de petite fille, à Alexandrie ou en Grèce, au fil d'une vie de voyages qui prend fin avec la mort prématurée de son père. Entre une mère inquiète pour la vertue de ses filles et d’autres figures féminines strictes et rigides, se construit alors une jeune fille passionnée d’art et de littérature mais déjà révoltée, en guerre contre ceux et celles qui veulent lui imposer une conduite, une place, un rôle.
Diplômée de l'École des arts appliqués de Zurich en 1949, mariée, puis divorcée, mère de quatre enfants de trois pères différents, Grisélidis finit par fuir Genève en 1961, «ville maudite où l’enseignement d’un prophète impuissant a desséché les esprits et les sexes», pour l’Allemagne, avec son amant[1]. Dans Le noir est une couleur (1974), elle raconte cette période de sa vie, ces deux années à Munich durant lesquelles elle tombe dans la prostitution par nécessité, pour nourrir ses enfants.
Elle mène cette vie, parfois joyeuse, avec les Tziganes, mais surtout dure, dans la drogue et la violence, jusqu’à son arrestation en 1963 et sa condamnation à sept mois d'emprisonnement pour avoir vendu de la marijuana. De cette expérience elle en tire un journal, Suis-je encore vivante? (2008), découvert et publié quelque temps après son décès.
Après cet épisode, de retour en Suisse, elle reprend la prostitution. Elle dit finalement adieu à son dernier client en 1969, des aurevoirs qui sonnent comme «une immense délivrance»[2], pour se consacrer à l’écriture et à la difficile publication de ses écrits. Mais un jour de mars 1975, alors qu’elle se trouve à Paris, elle croise et rejoint le mouvement de manifestation des prostituées pendant l’occupation de la Chapelle Saint-Bernard. Ce jour marque un tournant décisif dans sa vie. Grisélidis, estimant ne pouvoir soutenir et comprendre un combat dont elle ne fait pas pleinement partie, reprend la prostitution, retourne sur le trottoir d’où elle entame sa lutte pour le droit des travailleuses et travailleurs du sexe.
À partir de ce jour, s’engage une vie de lutte acharnée, constante (et épuisante), pour le droit à la reconnaissance, à la considération, à la dignité pour celles et ceux qui exercent ce métier, en Suisse, en France, en Europe et dans le monde entier. Grisélidis mène ce combat depuis Genève, ville plus souple qu’ailleurs au sujet de la prostitution, où les prostituées peuvent être des contribuables comme les autres.
"Je l’ai dit et redit dans des congrès, je l’ai dit en allemand, en anglais, en français, j’ai dit c’est un art, c’est un humanisme et une science à condition d’être pratiqué volontairement et dans de bonnes conditions", rappelle-t-elle au micro de la RTS[3].
Parmi ses chevaux de bataille et ses succès, on compte, par exemple, l’obtention du certificat de bonne mœurs pour les prostituées suisses, la reconnaissance de la capacité des travailleuses du sexe à être de bonnes mères et la garantie qu’on ne leur retire plus leurs enfants, mais aussi la lutte pour les droits et la sécurité des femmes, sans distinction de classe sociale ou de profession.
Toute sa vie durant, depuis Genève, depuis le trottoir d’où elle signe sa révolution, elle enchaîne donc les congrès et les projets, les prises de parole publiques et les écrits, les actions militantes et les rendez-vous avec des universitaires, des sociologues, des journalistes, et, jusqu’au milieu des années 1990, des clients. Et, à sa suite, elle incite ainsi toutes les prostituées du monde à se mobiliser pour leurs droits et à prendre la parole, à visages découverts, dans les lieux symboliques de la société, comme les universités.
Décédée en 2005 à Genève, Grisélidis laisse à la postérité trente ans de documentation, des témoignages de toutes sortes (prospectus, affiches, livres, lettres, art,...) sur, entre autre, le travail sexuel, accumulé au Centre de documentation international sur la prostitution, qui se trouvait dans son appartement (énième témoignage de la fusion entre l’individu et son combat), et l’association Aspasie, créée en 1982, première organisation suisse crée pour défendre les intérêts et les droits des travailleuses et travailleurs du sexe. Les archives de Grisélidis sont désormais ouvertes au public.
Sans aucun doute, Grisélidis a largement participé depuis Genève, depuis son quartier, à un combat à échelle mondiale, à l’évolution des mentalités suisses et d’ailleurs. Pour toutes ces raisons, il a été plusieurs fois question de renommer une rue, un espace genevois, du nom de Grisélidis Réal. Pour l’instant, les tentatives ont échoué face à l’opposition des riverain.es de la rue Jean Violette. Les controverses n’ont pas non plus permis le transfert de son corps au Cimetière des rois, là où reposent les figures qui ont contribué au rayonnement de Genève. Or la ville de Genève réfléchit actuellement à donner son nom à une place dans le quartier des Pâquis. Si les discussions sont encore en cours, on peut espérer que Grisélidis Réal fasse partie de la prochaine volée du projet de féminisation des noms de rue.
Notes:
- RÉAL Grisélidis, Le noir est une couleur, Paris, Gallimard, 2007, p.12.
- RTS Archives, «Entretien avec l’écrivaine et prostituée Grisélidis Réal», 1974
- RTS Archives, «Grisélidis Réal, ses combats au grand jour», 2019.
Bibliographie
- «Grisélidis Réal», Quarto, 50, 2022.
- JAUSSI Sophie, «Je suis Française de cœur. Grisélidis Réal - une intimité très publique», RIME Jean (dir.), Les échanges littéraires entre la France et la Suisse, Fribourg, PLF, 2016.
- RÉAL Grisélidis, Carnet de bal d’une courtisane, Paris, Le Seuil, 2005; La passe imaginaire, Paris, Gallimard, 2023; Le noir est une couleur, Paris, Gallimard, 2007.
- SIMON David, «Grisélidis Réal», MONTEBELLO Caroline; PIGUET Laure (éd.), 100Elles*. Pour une féminisation de la mémoire collective genevoise, Chêne-Bourg, Georg, 2020, p.80.
- Travailler, lutter, diffuser - Archives militantes du Centre Grisélidis Réal de documentation internationale sur la prostitution, Dijon, Les Presses du réel, 2022.
- GRABET Laurent, «Ils refusent que la ville rebaptise leur rue», GHI [en ligne], 2020.
- GUYE Simone, «Ces mamans qui font le trottoir», Tribune de Genève, 1991.
- MEUWLY Myriam, «Gens: Grisélidis Réal, ancienne prostituée, fille de Walter et Giselle. Un père adoré, mort prématurément, une mère aux principes rigides et à la sexualité refoulée qui viole l'intimité de ses filles, et voilà un destin qui prend forme, entre la culpabilité et la révolte», Le Temps, 1998.
- RTS Archives: «Entretien avec l’écrivaine et prostituée Grisélidis Réal», La Voix au chapitre, 14 novembre 1974; «Grisélidis Réal», Actuel, 24 octobre 1980; «Grisélidis Réal, ses combats au grand jour», 2019; «La prostitution», Temps présent, 7 mars 1974.
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