Pierre Comert face aux lions de la presse
Les facétieux dessinateurs Aloïs Derso et Emery Kelèn lui donnent du «Daniel», en référence au prophète biblique. Mais c’est bien de «Pierre» Comert qu’il s’agit au centre de leur caricature, entouré d’une meute effrayante de journalistes léonins. En réalité, celui qui dirige alors depuis onze ans la section d’information au sein du secrétariat général de la Société des nations (SdN) est bien moins démuni que le laisse croire cette planche du Testament de Genève (1).
Correspondant du journal Le Temps à Vienne puis à Berlin avant la Première Guerre mondiale, M. Comert est déjà à l’œuvre à la fin des années 1910 pour la création du secrétariat de la SdN avec des personnalités comme Éric Drummond, qui en sera le premier secrétaire général, ou encore Jean Monnet.
Influence politique
Pierre Comert sait l’importance de l’opinion publique pour la réussite du projet SdN. Et il sera sur tous les fronts (2). Il accompagne M Drummond dans des tournées internationales, comme en Amérique du Sud en 1930. Il donne des conférences dans les cercles les plus divers, à Genève et ailleurs. Il reçoit les délégations étrangères à Cornavin, il crée le service de la SdN chargé de la propagande par l’image… «Enfant chéri de la Société des Nations» (3), «ami des journalistes» (4), M. Comert gagne une influence qui soulève quelques critiques : «Ce qu’il y a de fâcheux à la Société des nations, a-t-on dit, c’est que la section politique fait de l’information et la section d’information fait de la politique!» (5)
Le directeur a pourtant affaire à forte partie avec les journalistes accrédités à la SdN, dont les plus éminents sont représentés sur cette caricature. Il y a là des rédacteurs en chef (Wickham Steed du Times, Elie Bois du Petit Parisien), la directrice d’Europe nouvelle Louise Weiss, les correspondants de médias européens et américains, et des membres du Comité de l’Association internationale des journalistes accrédités auprès de la SdN. Et l’on sait les tensions qui traversent à l’époque ce milieu-là, tiraillé entre propagandes nationales et exigences d’impartialité.
Marchandage de postes
Ce sont toutefois des forces plus puissantes qui vont avoir raison de Pierre Comert, une année après la publication de la caricature du Testament de Genève. La désignation du successeur d’Eric Drummond au poste de secrétaire général de la SdN et le renouvellement de certains cadres du secrétariat font l’objet d’un « marchandage » entre nations. L’antinazi Pierre Comert sera sacrifié fin 1932 pour faciliter l’élection de Joseph Avenol à laquelle il faut rallier les Allemands…
Le dorénavant ex-directeur de la section d’information de la SdN quittera alors Genève pour reprendre à Paris la tête du nouveau bureau de presse du ministère des affaires étrangères. « Sans lui, l’atmosphère de Genève et de la Société des nations sera certainement différente », note William Martin dans l’hommage qu’il rend à M. Comert dans le Journal de Genève (7).
Illustration de couverture: détail de la première page du Testament de Genève.
- Aloïs Derso et Emery Kelèn, Le Testament de Genève – Dix années de coopération internationale, édité par « Le Rire », Paris : Georges Lang, 1931, p. 36.
- Le dossier « Comert » des archives des Nations Unies donne une idée du foisonnement d’activités du directeur (archives.ungeneva.org/comert).
- Gazette de Lausanne du 4 janvier 1933, p. 1.
- Journal de Genève du 30 décembre 1932, p. 1.
- Ibid.
- Journal de Genève du 18 octobre 1932, p. 1.
- Idem, 30 décembre 1932, p.1

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