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Quand Genève sert de porte-voix de jeunes activistes du climat

December 2nd, 2022
Escarlata Sanchez

Il a grandi à Valparaíso, la région la plus polluée du Chili. Il se bat pour que le Traité Escazú soit adopté dans son pays. C’est le premier accord environnemental de l’Amérique latine dont l’objectif est la lutte pour la préservation de la planète et pour la justice sociale. Sebastian Benfeld a 21 ans, il est étudiant en journalisme et fondateur du mouvement "Escazú Ahora".

Il est le seul latino-américain récompensé parmi les jeunes militants primés lors du sommet des jeunes activistes #YAS22 (Youth Activist Summit), qui s’est tenu à Genève, le 2 décembre 2022.

« Il y a quelque chose de spéciale dans la jeunesse, explique Marina Wutholen, fondatrice du sommet des jeunes activistes #YAS. Il y a une volonté de changer le monde qui est intacte, qui est très pure. Ces jeunes sont extrêmement passionnés par leurs projets. Ils sont d’excellents ambassadeurs pour des thèmes qui sont parfois difficiles. Et ils ont cette passion et cette fougue que peut-être les adultes n’ont pas tous ». Lors de sa session de décembre 2022, #YAS a récompensé six jeunes militant.e.s des quatre coins du globe pour leur engagement dans différents domaines des droits de l'homme. Les protagonistes de ces différentes luttes, âgés de 19 à 26 ans, sont venus au siège de l'ONU avec leur désir juvénile de changer le monde.

« Escazú maintenant ! »

Sebastian Benfeld nous explique l’importance de l’accord d’Escazú. «C’est un accord environnemental au niveau de l'Amérique latine et des Caraïbes, et le seul au monde, qui protège les défenseurs de l'environnement. Cet accord donne aux gens des outils pour qu'ils puissent se défendre contre les injustices et les inégalités environnementales».

En 2019, inspiré par les « Vendredis pour l’avenir », mouvement initié par la militante suédoise Greta Thunberg, Sebastian Benfeld participa avec une trentaine des jeunes Chiliens aux protestations au sein de la commission de l'environnement du Parlement chilien.

En tant que l'un des représentants de la version chilienne des "Vendredis pour l'avenir", il a assisté au sommet de Madrid sur le changement climatique (COP25) en 2020, où il a dénoncé les violations des droits de l'homme et la pollution environnementale dans son pays.

Peu après cette action, il fut invité à prendre la parole au Sénat, où il appela à la participation des jeunes aux politiques publiques environnementales. Il est également le fondateur de "Escazú Maintenant", une organisation qui lutte pour le droit à l'information environnementale, pour la participation à la prise des décisions en matière d'environnement et pour la justice environnementale.

Genève, un lieu de parole et de réseau

Pour Sebastian Benfeld, Genève est devenue une caisse de résonnance puissante pour sa lutte en faveur du développement durable au Chili, mais pas seulement. La Cité de Calvin lui a également permis de créer des réseaux de solidarité avec des organisations internationales afin de récolter des fonds pour financer son combat.

« Sebastian Benfeld a rencontré une fondation basée à Genève, et l’ambassadrice du Chili auprès des Nations Unies. On lui a organisé aussi une séance de formation avec une experte en levées de fonds », explique la directrice du #YAS22, Marina Wutholen. Car ce sommet aide aussi les jeunes activistes à développer des réseaux et à financer leur action.

« C’est vrai que Genève est un hub, grâce à la présence de l’ONU. Ce prix #YAS22 donne aux jeunes activistes une visibilité nouvelle, un prestige, et aussi l’attention et la considération des autorités de leur propre pays. Cela leur permet vraiment d’avancer dans leur parcours et de développer leur projet. Genève, en fait, est l’endroit idéal. Genève est une ville symbole de paix et symbole de dialogue. Le but est de donner la voix à tous et notamment au pays du sud. Plus tard tous ces jeunes seront un jour des leaders », conclut la directrice du #YAS22.

Echos de la COP27

Sebastian Benfeld pourrait un jour être un décideur lors de l'un des sommets sur le climat. Pour le moment, il poursuit sa voie dans la lutte environnementale : « Ce qu'il faut maintenant pour résoudre le problème du changement climatique, c'est que les pays développés envisagent de reconnaître les erreurs qu'ils ont commises dans le passé et de réparer les dommages qu'ils ont causés aux pays du Sud. En particulier, bon nombre des pays du Nord qui sont ici aujourd'hui sont des pays qui ont longtemps pratiqué l'extractivisme dans le Sud, et cet extractivisme se poursuit encore aujourd'hui.

Dans mon pays, par exemple, nous avons de nombreuses entreprises à capitaux nord-américains ou européens qui opèrent actuellement et qui ne respectent aucune norme, pas même celles établies par notre propre pays, et elles les violent quotidiennement. Et pourtant, elles continuent à opérer dans le Nord global. Malgré les dommages qu’ils ont causés, et qui ont un énorme impact sur le changement climatique, les pays de l’hémisphère Nord n'ont pas su reconnaître leurs erreurs, ni osé les réparer économiquement. Ce qui a été obtenu à la COP 27 est précisément la création d'un fonds destiné à financer la transition écologique des pays du Sud et des pays les plus touchés par le changement climatique.

Cependant, jusqu'à présent, ce qui s'est passé à la COP27, c'est une déclaration de bonnes intentions. Un fonds a été créé, mais paradoxalement il n'y a pas de fonds. Et ces fonds seront peut-être trouvés lors du prochain sommet, lors de la COP28 à Dubaï. Et j'espère que les pays comprendront l'importance de cette question, qu'ils agiront et oseront ouvrir leur porte-monnaie et fournir des fonds pour changer la réalité. »

Dénoncer le sacrifice environnemental

Dans la région d’où vient Sebastian Benfeld se trouvent les municipalités de Quinteros et de Puchuncaví, qui comprennent une zone connue sous le nom de « zone de sacrifice environnemental ». Là-bas, pas moins de 16 entreprises polluantes fonctionnent simultanément, dont quatre centrales électriques au charbon, une fonderie de cuivre, une raffinerie et une cimenterie, entre autres, énumère le jeune homme. Le journal Le Monde du 22 septembre 2022 n’hésite pas à appeler ces deux villes le «Tchernobyl chilien» où la santé des chiliens est quotidiennement mise en danger.

Sebastian Benfeld a joué un rôle clé dans la fermeture de la fonderie de cuivre Ventanas, l'une des fonderies les plus polluantes de la « zone de sacrifice » de Puchuncaví-Quintero, qui ne respectait pas les normes environnementales. Dans cette région, des plaintes récurrentes ont été déposées concernant les émissions de dioxyde de soufre (SO2) dans l'air, un gaz causé par les activités industrielles à haute température qui utilisent des combustibles fossiles contenant du soufre (pétrole, charbon, coke de pétrole).

« Je pense que le développement économique n'est pas du tout incompatible avec la protection de l'environnement et la protection des droits sociaux. Je crois qu'un bon développement comprend l'aspect social, l'aspect économique et surtout l'aspect environnemental, car c'est la seule façon de pouvoir construire des sociétés plus durables et qui ne nous mènent pas directement à l'extinction, comme c'est le cas actuellement ».

Risquer sa vie pour défendre l'environnement

Les combats pour lesquels s’engagent les jeunes militant.e.s latino-américains les amènent souvent à risquer leur vie. Le cas de la militante environnementale hondurienne Berta Cáceres est un exemple très emblématique pour tous les activistes de l’Amérique latine. Elle s'est opposée à la construction d'un barrage sur la rivière Gualcarque et a été assassinée à son domicile, le 3 mars 2016, après avoir été la cible de menaces pendant plusieurs années.

« L'Amérique latine est la région la plus dangereuse au monde pour la défense de l'environnement. Chaque année, plus de 200 personnes appartenant à ces organisations sont victimes de menaces, d'attaques, de harcèlement et même d'assassinats. En fait, on estime que pour chaque défenseur de l'environnement tué, il y en a au moins 200 à 300 autres qui sont menacés » explique Sebastian Benfeld.

Au Chili, des menaces quotidiennes

Chaque jour il y a des menaces, et malheureusement, il y a eu aussi des assassinats à l’encontre des défenseurs de l’environnement. « Au Chili, nous avons également deux cas très marquants, comme celui de Macarena Valdés, une défenseuse de l'environnement appartenant au peuple autochtone Mapuche, qui pour avoir élevé la voix contre la centrale hydroélectrique qui devait être construite sur la rivière Tranguil, en Wallmapu a été menacée de mort puis assassinée en présence de son plus jeune fils, qui ne pouvait même pas parler ou marcher, il était très petit.

Nous avons le cas d'Alejandro Castro, qui est également un grand défenseur de l'environnement, un pêcheur de la région de Quintero Puchuncaví, qui a été menacé de mort pour son travail de défense de l'environnement. Il s’est opposé à la construction de centrales thermoélectriques dans la région et il a également été retrouvé mort, près de la commune où il vivait.

Et ce sont des cas d'assassinats, mais il y a aussi des cas de menaces qui se produisent jour après jour. Par exemple, nous travaillons en étroite collaboration avec une femme de Petorca, une région très touchée par la sécheresse, qui a été victime de menaces de mort à plusieurs reprises pour s'être battue pour le droit à l'eau, et dont la maison a récemment été incendiée ».

Le pouvoir de la parole

Cet étudiant en journalisme est conscient du pouvoir des mots, tant dans les négociations que dans la sensibilisation. Il sait qu'il apporte sa contribution au débat mondial sur l'urgence climatique. Malgré la répression qu'il risque de subir dans son pays, il poursuit son combat au niveau international, convaincu de son urgence.

« Il y a quelques années, j'ai pris conscience du grand pouvoir de mots. J'ai compris que presque tous les conflits qui existent dans le monde sont des conflits liés à la communication. La communication a trait à la manière dont un Etat exprime une position sur un autre, et aussi à la manière dont il refuse parfois de dialoguer pour trouver un terrain d'entente. En même temps, la communication est vitale pour les communautés, pour que les gens sachent ce qui se passe dans leur environnement et aient les outils pour se défendre. C'est pourquoi j'ai décidé d'étudier le journalisme. J'aimerais continuer à travailler dans le domaine de la communication à l'avenir, à la fois dans la communication à travers les médias, avec des reportages sur les questions environnementales et les questions de droits de l'homme, mais aussi dans la politique pour que les pays, pour que les gens, pour que les communautés puissent trouver de bons termes et des accords concernant les conflits. »

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Escarlata Sanchez
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Jan 5th, 2023
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