Guerre d'Algérie, 10 ans après
Guerre d'Algérie, 10 ans après
Temps-Présent revient sur l'implication suisse dans la préparation et la tenue des négociations entre Algériens et Français au début des années 1960. Deux Genevois ont été particulièrement actifs : Me Raymond Nicolet et le Pasteur Rouget. Ils sont interviewés dans cet extrait de Temps Présent daté du 29 juin 1972, soit dix ans après la signature des Accords d'Evian qui ont permis l'arrêt des combats en Algérie.
VERBATIM
La région lémanique constituait le refuge de prédilection des révolutionnaires, des Algériens ou des insoumis français à Lausanne, la pension Lorient habité surtout par de vieilles Anglaises ainsi que des membres du FLN qui vivaient ici épisodiquement sous des noms d'emprunt à consonance espagnole ou italienne. A Montreux, Ferhat Abbas, futur président du GPRA habitait dans cette maison où il recevait le gratin du FLN. Genève abritait passablement de personnes qui, de près ou de loin, ont épousé la cause de l'Algérie indépendante, Boumendjel, le Docteur Francis, Dalhab, Boulharouf, Jeanson et bien d'autres encore étaient presque des familiers de la ville, ceux ou celles qui les aidaient, les hébergeaient et les cachaient étaient de toutes conditions, ouvriers ou bourgeois, intellectuels ou commerçants, pasteurs ou curés, engagés politiquement ou non. Parmi ces gens, la directrice de la pension des clochettes à Champel, une pension qui aurait bien des choses à dire si les murs pouvaient parler. Quant à Me Nicolet, il a vu défiler chez lui presque tous les leaders de la révolution algérienne.
« Le premier qui est arrivé était monsieur Pablo. Monsieur Pablo était un Algérien, qui à cette époque, était stationné à Lausanne, puis qui ensuite été à Rome, où il a été le chef du FLN Europe. Il avait la clé de chez moi. Il avait une chambre dont il disposait et le soir, arrivaient chez moi des personnages qui s'appelaient, Pablo, Saad, qui avaient des noms d'emprunt qui parlaient en arabe, je ne m'en occupais pas. Ma seule fonction était de leur faire cuire un gigot, de leur préparer la cuisine, puisque nous étions en camp retranché et que lorsqu'ils étaient là, il était évident que personne d'autre ne pouvait venir. Pablo, en réalité c’était Boularhouf.
Journaliste : Il y avait d'autres personnages célèbres ?
Francis, Dalhab, je pense que tout le monde a passé Francis Dahlab. Ferhat Abbas, j'ai été le voir. Enfin, tout le monde a passé petit à petit, vraiment tout le monde. On allait dans un restaurant au bord du lac et la patronne connaissaient les goûts de chacun et comme elle détestait la maréchaussée c'était très commode. Dès qu'il y avait un agent et le faisait disparaître honorablement, bien sûr. Mais en réalité, nous y avons tenu des réunions tout à fait confortables et tout à fait tranquille.
Journaliste : au fond même Mao disait que les révolutionnaires en Suisse évoluent un petit peu comme des poissons dans l'eau…
Me Nicolet : « Je crois que si les révolutionnaires évoluent en Suisse, tout à fait librement, c'est que le Suisse n'a pas conscience de la révolution. Le Suisse n'est pas révolutionnaire, même dans les temps actuels où on a heureusement et grâce à Dieu, un peu de mouvement dans nos rues, c'est ce qui était un peu ennuyeuse, était devenue un peu terne au cours des années. Le Suisse n'a pas conscience de cela et lorsqu'il voit un révolutionnaire, il ne peut pas imaginer que c'est un révolutionnaire, c'est pas qu'ils soient favorables à la révolution, c'est simplement qu'il ignore la révolution et c'est la raison pour laquelle, depuis très longtemps, nous avons eu des révolutionnaires, Lénine venait à la maison, chez mon père et je pense qu’à cette époque, tout le monde ignorait la possibilité de la révolution russe lorsque Lénine était à Genève.
Est-ce que la police fédérale est intervenue lorsque vous vous êtes occupés des révolutionnaires algériens ?
Je pense que la police fédérale est au niveau de sa formation. Nous n'avons pas de policiers qui soient formés, politiquement, chez nous, ils sont formés empiriquement. Ce qui fait que, ils ont une vue de l'activité révolutionnaire qui est une vue souvent fragmentaire. Je crois que très longtemps ils n'ont pas imaginé que je m'occupais de ceux-là. Ou comme on l'imagine souvent maladroitement. L' essentiel est que j'ai pu faire tout ce que j' avais à faire. Sans jamais être dérangés par la police fédérale et du jour où mon activité en vue des négociations étaient connues du gouvernement. Il est clair que la police fédérale n'était pas au courant et que, même si elle avait été au courant, lui aurait dit de me laisser tranquille. La police fédérale n'a pas encore conscience du monde et je crois que c'est son défaut fondamental est de ne voir les choses qu'à travers la Suisse. »
Des prêtres et des pasteurs ont aidé les réfugiés de la guerre d'Algérie à Romainmôtier, par exemple, le Pasteur de l'époque possédait une cure qui ne désemplissait pas d'Algériens en fuite. A Genève, la maison du pasteur du Pasteur Rouget était pleine, les réfugiés campaient dans le jardin. Est-ce que vous avez participé de façon encore plus directe à cette révolution ? En allant chercher des Algériens en France ?
Pasteur Rouget : Il est arrivé que nous ayons effectivement à avoir des contacts sur territoire français. D’ailleurs, une fois en tout cas, que nous avons été sollicités pour un rendez- vous en France sans savoir, du reste, de quoi il s' agissait, ce que nous allions nous demander, on pouvait présupposé bien sûr mais c'était des rendez- vous et puis ensuite , on a essayé de ramener des gens à Genève, ce qui nous a fait avoir quelques ennuis. Simplement, il y a un coup de téléphone nous avons ce qui a été intercepté par la police française et par la police suisse aussi et qui a fait que , au moment du rendez- vous , nous avons été surveillés. Ils ont été interpellés, moi j'ai été arrêté en France à Annemasse, interrogé au commissariat de police, puis relâché, au grand regret du commissaire qui était absent et qui m’a retéléphoné de lendemain pour me demander si je voulais bien revenir témoigner et d’essayer de rendre service à certains déserteurs qui avaient été arrêtés. J’ai refusé d'y aller. J'ai appris après coup que si j'avais été sur place, j’aurais été vraisemblablement été arrêté pour un an ou plus, et incarcéré.»
Discover and enrich the history of International Geneva
A time for dialogue
In 2003, a man from Geneva initiated a dialogue between Israelis and Palestinians far from the diplomatic arena. His aim: to achieve a two-state solution. The RTS archives bear witness to the dynamic generated by this ‘Geneva Initiative’.