We analyze the anonymised information of our users to better match our offer and website content to your needs. This site also uses cookies to, for example, analyze traffic on the site. You can specify the conditions for storage or access of cookies in your browser.

Cointrin, un tarmac de choix pour les pirates de l'air Featured

Pascal Praplan

Photo de couverture: Archives RTS, détournement du Boeing 767 d'Ethiopian Airlines (voir la vidéo plus bas)

Est-ce sa position, au croisement de couloirs aériens majeurs de l’Europe ? Ou la résonnance internationale du nom de Genève qui lui est liée ? Ou encore, plus simplement, par opportunisme circonstanciel ou obligation technique (cartes, kérosène, etc.) ? Toujours est-il qu’entre 1972 et 2014, une dizaine de détournements d’avions touchent l’aéroport de Cointrin. Et que parfois, les motivations des pirates de l’air dépassent toute conjecture…

Ainsi le 17 avril 1972, durant une période qui connaît un pic de détournements (1), un jeune homme pénètre dans la cabine de pilotage d’un DC-9 de Swissair parti de Genève, peu avant son atterrissage prévu à Rome Fiumicino. Il exige que l’avion soit dérouté sur l’Argentine. Le pilote lui fait comprendre que c’est impossible. Le pirate demande alors un atterrissage à Ciampino, car il veut parler au pape et à l’ambassadeur des Etats-Unis. Un dispositif de sécurité s’y met en place, l’homme descend de l’avion pour, lui a-t-on fait croire, parler à l’ambassadeur. Il est arrêté, l’équipage et les quinze passagers s’en sortent sains et saufs.

Agent 0090

Durant son interrogatoire, le pirate n’est pas avare de détails sur une vie… rocambolesque. Il a travaillé pour la CIA et voulait rebaptiser le vol Swissair du sigle « 0090 », son code d’agent secret. Il est le fils d’un chef de Cosa Nostra, possède une fortune de 750 millions de dollars, voulait offrir ses services à Paul VI… Contrairement à ce qui avait été communiqué dans un premier temps, celui qui se qualifie de « général de corps d’armée » ne sera pas interné en asile psychiatrique, mais bel et bien enfermé à la prison de Regina Coeli (2).

L’année suivante, le 1er décembre 1973, un jeune aide-cuisinier lucernois prend possession d’un DC-8 de Swissair peu avant son atterrissage à Genève. Il veut se rendre à New York pour réclamer une rançon à l’ONU – d’abord 50 millions, puis 50'000 dollars – pour venir en aide aux victimes de la famine au Sahel. Tenant des propos confus, le pirate accepte de libérer les 145 passagers et une partie de l’équipage contre la promesse d’un billet gratuit pour New York sur un vol normal, sans arme. Des policiers réussissent finalement à monter à bord, à désarmer le jeune homme et à l’arrêter (3).

« Libérez Rudolf Hess »

L’épisode du vol 530 de la TWA venant de New York relève, selon Pionnair-GE (4) , du canular. Durant le vol de nuit, ce 25 août 1978, un pirate dépose 19 pages de revendications sur les genoux d’une hôtesse. Elles exigent notamment la libération de Rudolf Hess (dauphin d’Hitler). Le Boeing 707, avec 90 personnes à bord, reste neuf heures en bout de piste à Cointrin, avant que les passagers soient libérés. Le pirate en profite pour disparaître avec eux, laissant ses lunettes noires, sa fausse barbe et sa perruque dans les toilettes. Il sera retrouvé quelques temps après en Amérique du Nord.

C’est « pour échapper à la brutalité dont ils ont souffert dans la légion étrangère » (5) que deux Français et un Chilien munis de mitraillettes détournent, le 6 août 1979, un DC-9 d’Iberia, d’abord sur Lisbonne où les 22 passagers sont libérés, puis sur Genève – toutes les autres destinations ayant refusé de les accueillir. Avant d’atterrir, les trois légionnaires remettent leurs armes au pilote en acceptant d’être jugés en Suisse. Ils se laissent emmener sans heurts dans le fourgon cellulaire de la police genevoise.

Cauchemar de cinq jours

Plus dramatique est l’attaque de quatre terroristes qui prennent possession avec mitraillettes et grenades d’un Boeing 727 d’Air France, le 27 août 1983 lors d’un vol Vienne-Paris avec 115 personnes à bord. A court de carburant, l’appareil doit se poser à Genève où la police obtient la libération de 37 passagers contre le plein. L’avion poursuit vers Catane où 60 nouvelles personnes sont libérées, puis Damas et finalement Téhéran, où les pirates obtiennent l’asile politique – mais pas la libération de Libanais prisonniers en France ou le retrait des troupes françaises du Liban et du Tchad qu’ils exigeaient. Cinq jours après le départ, l’équipage et « les 10 derniers passagers sont sauvés et sortent du cauchemar » (6).

Les archives de la RTS
Le 3 septembre 1995, un pirate d l'air proteste contre la reprise des essais nucléaires par la France
September 3rd, 1995

L’année suivante, Cointrin connaît deux détournements, les deux fois avec des Boeing-737 d’Air France, les deux fois sur la ligne Francfort-Paris. Le premier, le 7 mars 1984, est détourné par un pirate algérien qui veut aller à Tripoli et demande le plein sous la menace de dynamite qu’il aurait dans ses poches. Les policiers, déguisés en livreurs de boissons, réussissent à maîtriser l’homme qui n’a qu’un couteau. Cinq mois plus tard, le 31 juillet, ce sont trois hommes lourdement armés qui s’emparent d’un appareil avec 58 personnes à bord, exigeant la libération de terroristes incarcérés en France. L’avion repart de Genève vers Beyrouth, puis Larnaka où une douzaine d’otages sont libérés, enfin Téhéran où le reste des otages peuvent sortir après deux jours de négociations. Les pirates finissent par se rendre aux autorités iraniennes contre la libération, par Israël, d’un certain nombre de détenus.

Otage abattu, steward grièvement blessé

Le détournement le plus grave sur sol genevois a lieu le 24 juillet 1987. Un jeune chiite libanais surgit dans le cockpit d’un DC-10 d’Air Afrique parti de Brazzaville pour Paris, exigeant de voler sur Beyrouth et la libération de terroristes.

Les archives de la RTS
Le 17 février 2014, le co-pilote d'un avion de l'Ethiopan Airlines détourne son appareil sur Cointrin

Par manque de cartes et de carburant, le pilote lui propose un ravitaillement à Paris ou Genève. L’appareil se pose à Cointrin où commencent les négociations avec le pirate qui finit par abattre un Français. Peu après, les passagers à l’arrière déclenchent l’ouverture des portes et se ruent à l’extérieur, les stewards ceinturent le pirate, les forces de sécurité se lancent à l’assaut… (7) Bilan : un mort, un steward blessé par plusieurs balles et une trentaine de blessés en sautant de l’avion, dans une opération dont « la France, en pleine crise franco-iranienne, semble bien avoir été la cible » (8).

C’est un « écolo terroriste » (9) présenté comme « un déséquilibré » (10) qui, huit ans plus tard, le 3 septembre 1995, détourne un A-300 d’Air Inter en provenance de Palma de Majorque sur Genève, avec quelque 300 occupants à bord – dont plus de 70 enfants revenant de colonie de vacances. Il brandit un téléphone portable relié à des piles (dispositif qui s’avèrera factice) et proteste contre la reprise des essais nucléaires français dont « le Gouvernement espagnol est complice » (11). Il laisse sortir tous les passagers et finit par craquer, tendant son dispositif au commandant de bord, et sera maîtrisé par deux policiers dans le cockpit.

Dernier détournement en date sur Cointrin, celui du Boeing 767 d’Ethiopian Airlines qui relie Addis-Abeba à Rome, un détournement «bizarre à plus d’un titre» (12) . C’est le copilote qui, profitant de l’absence du pilote parti aux toilettes, s’enferme dans le cockpit. L’appareil atterrit à 6 heures du matin le 17 février 2014 à Genève, il n’a plus que 20 minutes de réserve de carburant. Le copilote quitte le cockpit avec une corde à nœuds et se rend à la police. Il réclame l’asile politique alors qu’il n’a aucun antécédent criminel, travaille pour Ethiopian Airlines depuis cinq ans et est « médicalement sain »… Ultime bizarrerie qui ne manquera pas de provoquer ici et là quelques gorges chaudes : ce sont des Eurofighters italiens puis des Mirages français qui escorteront l’appareil entre le moment de son détournement et Genève, la chasse aérienne suisse ne travaillant qu’« aux heures de bureau » (13).

Consulter également notre dossier Cointrin, l'allié de la Genève internationale

  1. Cf. l’émission « Le Commando » de la RTS qui enquête sur la sécurité de Cointrin après l’attaque du 18 février 1969 contre un Boeing d’El Al à Zurich Kloten par un commando palestinien (rts.ch/archives/tv/information...).
  2. Journal de Genève du 18.03.1972, p. 9.
  3. Gazette de Lausanne du 03.12.1973, p. 3.
  4. Pionnair-GE, pionnair-ge.com/spip1/spip.php....
  5. Journal de Genève du 07.08.1979, p. 9.
  6. Pionnair-GE, pionnair-ge.com/spip1/spip.php...
  7. Journal de Genève du 25.07.1987, pp. 22-23.
  8. universalis.fr/evenement/24-ju...
  9. Le Nouveau Quotidien du 4.09.1995, p. 5.
  10. Journal de Genève du 04.09.1995, p.15.
  11. Ibid.
  12. AirJournal, air-journal.fr/2014-02-18-ethi...
  13. RTSinfo, rts.ch/info/suisse/5620821-det...
You need to be signed in to post comments
No comments yet
Pascal Praplan
23 contributions
May 2nd, 2023
162 views
0 likes
0 favorites
0 comments
0 galleries
Editorial partners :
Support partners:
782
190
© 2024 by FONSART. All rights reserved. Designed by High on Pixels.