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1939-1945 : l’industrialisation de l’action du CICR Featured

August 10th, 2023
Pascal Praplan

Plus de 44 millions. C’est le nombre de «transmissions postales» de colis pour prisonniers de guerre que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a recensé durant la Seconde Guerre mondiale (1). Cette prouesse n’est pas le fruit du hasard : l’action humanitaire connaît un développement fulgurant durant les décennies qui précèdent et le colis alimentaire en devient une composante essentielle.

On trouve trace de ces fameux colis au XIXe siècle déjà : des envois sont notamment organisés pendant la guerre de Crimée (1853-1856) ou celle de Sécession (1861-1865) (2). La confection, le transport et la distribution aux prisonniers de paquets de vivre, de vêtements, de tabac, d’articles de toilette et autres médicaments ne cessent dès lors de s’améliorer.

Certains droits des prisonniers, en termes d’alimentation et d’habillement, sont progressivement inscrits dans les traités internationaux et autres codes de la guerre. Les champs d’intervention humanitaire s’élargissent, avec des armées et des populations captives plus nombreuses. Les transports et les postes connaissent un déploiement remarquable... Entre 1914 et 1918, le CICR distribue déjà deux millions de colis personnels (3).

Militarisation de l’humanitaire

Dans le même temps, les sociétés nationales de la Croix-Rouge, notamment anglaise et américaine, connaissent une indéniable «militarisation», étant «pensées comme un service volontaire des armées en campagne» (4). Durant la Grande Guerre, elles jouent déjà un rôle essentiel dans la confection et l’envoi de colis alimentaires – dont pas moins de 115 millions transitent par la poste suisse.

En 1939-1945, ces sociétés nationales, redoublent d’efficacité. Des centres de production de colis sont créés tant en Angleterre qu’aux Etats-Unis, qui emploient des milliers de volontaires. De par sa neutralité et ses contacts, le CICR en devient le partenaire essentiel : il assure le contrôle et l’acheminement de l’aide, il possède un réseau de délégués sur le terrain, son Agence de recherche centralise l’information sur les prisonniers de guerre (5).

Colis voyageurs

Le Comité se transforme ainsi, au cours de cette Seconde Guerre mondiale, en un gigantesque service postal international. De 57 personnes travaillant à la villa Moynier à Genève au début de la guerre, on passe très rapidement à une administration de plus de 5'000 collaborateurs dont plus de 3'800 salariés. Le budget du Comité explose, passant de 100'000 francs suisses à quelque 17 millions en 1945 (6).

Les colis alimentaires, eux, connaissent une standardisation de leur poids et de leur contenu, pour des raisons aussi bien nutritionnelles que de transportabilité. Leur adressage se voit également simplifié : les colis personnels sont peu à peu abandonnés au profit de colis collectifs et anonymes, répartis par nationalités. Ces colis suivent différents chemins selon les aléas de la guerre (blocus, invasion, ruptures des liaisons postales…).

Les Croix-Rouges américaine et canadienne organisent ainsi, avec le CICR, une flotte d’une dizaine de bateaux qui effectuent durant la guerre 127 passages transatlantiques vers Gênes, puis Lisbonne (7). C’est aussi dans la capitale portugaise que parviennent par la mer les colis britanniques. Ils y sont «réceptionnés par un délégué du CICR qui assure leur réexpédition vers Marseille sur des vapeurs», puis acheminés par wagons jusqu’au Port-Franc de la gare de Genève où ils sont vérifiés et répertoriés avant leur envoi «à l’homme de confiance» dans les camps de prisonniers (8).

Entrepôts géants

Mais ce Port-Franc ne saurait suffire devant la masse croissante de colis alimentaires à traiter. Le CICR développe un réseau d’entrepôts à Genève, dont La Renfile (13'500 m2), mais aussi des dizaines dans le reste de la Suisse et à l’étranger, sur les points de transit (9). Au début 1944 s’y ajoutent les 10'000 m2 du Palais des expositions à Plainpalais, avec «un embranchement spécial relié au réseau de le C.G.T.E», la Compagnie genevoise des tramways électriques (10)– dont les «trucks» effectuent le transbordement depuis la gare des Eaux-Vives (11).

Ces fourmilières que l’on peut découvrir dans le film «Inter Armas Caritas» de l’Institution (12), œuvrant sans heurt au milieu de montagnes de caisses soigneusement empilées, laissent croire à une organisation sans faille. De fait, il est peu de témoignages de dysfonctionnements de cette énorme chaîne humanitaire. Il y a bien des déperditions de colis «ayant souffert de l’eau de mer et du mazout» (13), des destructions dans des opérations militaires ou des détournements à la suite de transferts de prisonniers, voire des pillages…

Mais globalement et grâce à un contrôle des distributions par quittances interposées, le CICR affirme, dans son rapport général sur son activité durant la Seconde Guerre mondiale, que «les pertes dues à des vols [ont été] rares, et ne [se sont élevées] qu’à 1 ou 2% des marchandises expédiées. » (14)

Illustration de couverture : Guerre 1939-1945. Entrepôt du CICR à Cornavin. Colis pour des prisonniers de guerre belges. Archives du CICR

  1. CICR, Activité de secours du Comité internationale de la Croix-Rouge en faveur des prisonniers de guerre, p. 257 (international-review.icrc.org/...). Il s’agit de colis en transit, d’expéditions de Suisse et réexpéditions par le CICR.
  2. Sébastien Farré, Colis de guerre - Secours alimentaire et organisations humanitaires (1914-1947), Presses universitaires de Rennes, 2014, ch. I, pp. 2-3 (books.openedition.org/pur/4909...)
  3. CICR, plaquette de la conférence « Le sentier humanitaire », déc. 2019, p. 7.
  4. Sébastien Farré, Idem, ch. I, p. 5.
  5. En 1947, le fichier de l’agence compte quelque 36 millions de fiches, dont six à sept millions de civils (blogs.icrc.org/cross-files/fr/...).
  6. Sébastien Farré, Idem, ch. VIII, pp. 27-28.
  7. Ibidem.
  8. Journal de Genève du 30 avril 1941, p.2.
  9. Sébastien Farré, Idem, ch. VIII, p. 31.
  10. Journal de Genève du 21 avril 1944, p.5.
  11. Journal de Genève du 26 avril 1945, p.5.
  12. Film de Fernand Reymond et Frédéric Siordet, produit par le CICR en 1948, sur le travail du Comité pendant la Deuxième Guerre mondiale (avarchives.icrc.org/Film/5508).
  13. Journal de Genève du 30 avril 1941, p.2.
  14. CICR, Activité de secours du Comité internationale de la Croix-Rouge en faveur des prisonniers de guerre, p. 293
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Pascal Praplan
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