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La « terre promise » des États-Unis d’Europe

La « terre promise » des États-Unis d’Europe

September 14th, 1931
Pascal Praplan
ONU Genève

En cette fin des années 1920, Aristide Briand est un habitué des déjeuners annuels de l’Association internationale des journalistes accrédités auprès de la Société des Nations (SdN). Peu étonnant dès lors que le ministre français des Affaires étrangères figure sur le menu de la rencontre de 1931, dessiné par les célèbres caricaturistes Aloïs Derso et Emery Kelèn. Il y apparaît en Moïse menant des délégués de la SdN vers la « terre promise » des Etats-Unis d’Europe (1) – la grande idée qu’il défend depuis plus de deux ans.

Le « spirituel menu […] servit de texte, si l’on peut dire, aux différents discours » des invités, note le journal du lendemain (2). Mais M. Briand n’a peut-être pas apprécié de la même manière la caricature, lui qui déclara dans son intervention devant les journalistes qu’il « avait pris vis-à-vis de lui-même des engagements sacrés auquel il entendait se tenir malgré le ridicule dont, à cette occasion, on tentait de le couvrir » (3).

Deux ans plus tôt, donc, le 5 septembre 1929, Aristide Briand propose à la Xe Assemblée de la SdN, l’établissement d’une « sorte de lien fédéral » entre les peuples européens (4). Devant l’accueil plutôt favorable des délégués européens, notre homme charge son chef de cabinet, Saint-John-Perse, de rédiger un mémorandum sur « l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne », qui sera adressé aux 26 États concernés en mai 1930.

La terminologie en était « volontairement imprécise et contradictoire » parlant à la fois de respect de « la souveraineté absolue des États » et de « fédération » ou d’« union » (5). Au-delà de ces contradictions qui auraient rendu à elles seules la fédération « inopérante » (6), l’Histoire du moment jouait aussi contre le projet de M. Briand : la Grande-Bretagne affirmait son isolationnisme et Hitler gagnait ses premières élections d’importance en septembre 1930. Le grand projet européen allait sombrer « devant le déchaînement de souverainetés devenues folles » (7).

Légende photo: Menu illustré par les caricaturistes Alois Derso et Emery Kelen pour le déjeuner de l’Association internationale des journalistes accrédités auprès de la Société des Nations faisant allusion au projet d’Union européenne présenté par Aristide Briand, 14 septembre 1931, Archives des Nations Unies à Genève.

Références:

  1. Pour ménager les souverainistes, M. Briand n’utilise presque jamais cette expression – même si parfois les mots « se présentent tout seuls sur [ses] lèvres » (Journal de Genève du 6 septembre 1929, p. 1.
  2. Journal de Genève du 15 septembre 1931, p. 2.
  3. Ibid.
  4. L’idée d’une Europe plus intégrée n’est alors pas nouvelle : Emmanuel Kant, Victor Hugo ou encore Jules Romains s’y sont essayé, cf. Anne-Marie Saint-Gilles, « Unir l’Europe, un projet politique dans l’entre-deux-guerres », Allemagne d’aujourd’hui no 233, mars 2020 (cairn.info/revue-allemagne-d-a...).
  5. Jean-Michel Guieu, « Quand Aristide Briand proposait de construire une « Union européenne » à 27 ! », jmguieu.free.fr/galerie2/Brian...
  6. Denis de Rougemont, Vingt-huit siècles d’Europe, « Manifestes pour l’union européenne (de 1922 à 1960), (unige.ch/rougemont/livres/ddr1...).
  7. Ibid.
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Pascal Praplan
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Mar 2nd, 2023
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