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Les Droits de l'enfant ont 100 ans Featured

February 23rd, 1923
Genève
geneveMonde

La première Déclaration des droits de l'enfant, connue sous le nom de Déclaration de Genève, est adoptée à Genève lors du IVe Congrès général de l'Union internationale de secours aux enfants, le 23 février 1923, et ratifiée l'année suivante par la Société des Nations. Depuis cent ans, les organisations internationales œuvrent à l'amélioration de la protection des droits de l'enfant. Retour sur les moments clé de cette histoire.

Photo: ILO/Crozet M. Source: https://www.ilo.org/dyn/media/slideshow.curtainUp?p_lang=en&p_slideshow_id=36

Genèse

Les droits de l'enfant tels que nous les connaissons aujourd'hui sont un concept relativement récent, bien que l'idée d'une protection spéciale pour les enfants, en particulier sur le lieu de travail, a commencé à émerger au milieu du XIXe siècle.

Si les enfants ont toujours travaillé avec leur famille dans les champs ou les ateliers, au milieu du XIXe siècle, les conditions de leur emploi deviennent un sujet de préoccupation des médecins, des réformateurs, des philanthropes et des élites politiques. À cette époque, les enfants, filles et garçons, sont employés dans de nombreux secteurs industriels, reconnus pour leur dangerosité: les mines, le textile, la verrerie, l’industrie métallurgique et le bâtiment. Les très jeunes enfants travaillaient de très longues heures et pouvaient être sévèrement punis en cas d'erreur. Par exemple, arriver en retard au travail pouvait entraîner une forte amende, voire un châtiment corporel. C'est donc en plein cœur de la révolution industrielle en Europe, qui ravage les corps des ouvriers, hommes, femmes et enfants, que naît l'idée d'une protection particulière pour les enfants.

De manière générale, au milieu du XIXe siècle, on commence à considérer que le travail prive l'enfant de son enfance, de son potentiel et de sa dignité et qu'il doit être protéger. Cette idée suit également l'évolution de l'obligation scolaire des enfants. La promotion croissante de l’éducation obligatoire contribue à placer progressivement le travail des enfants aux marges de l'activité économique.

Dans le dernier quart du XIXe siècle, certains pays comme le Royaume-Uni (1833) et la France (1841) adoptent les premières lois visant à encadrer le travail des enfants et à leur assurer une scolarité élémentaire. Ces lois cherchent à limiter le travail des enfants, en augmentant l'âge d'admission à l'emploi et en réduisant les heures de travail, puis en interdisant le travail de nuit. Ainsi l'âge limite de l'emploi des enfants augmente progressivement de 8 ans en 1840, à 12 ans à la fin du XIXe siècle.

Toutefois, l'adoption de ces lois ne signifie pas la fin du travail des enfants, ni que les mauvais traitements infligés aux enfants ont cessé du jour au lendemain. Les rapports des inspecteurs du travail témoignent des difficultés à faire respecter ces lois et il est assez fréquent que des patrons d'entreprise continuent d'infliger de longues heures de travail et des mauvais traitements aux enfant dans les usines et les manufactures.

À la veille de la Première Guerre mondiale, les enfants ont néanmoins en grande partie disparu des usines européennes. La misère des enfants abandonnés dans les rues en revanche reste une réalité largement répandue dans les sociétés modernes.

La naissance d'un droit international et du concept de l'enfance

À partir de 1919, la reconnaissance des droits de l'enfant rencontre un écho international avec la création de la Société des Nations, qui met en place un Comité de protection de l’enfance. Les années 1920 marquent ainsi le premier moment de formulation de droits internationaux pour les enfants. En 1924, la SDN adopte la Déclaration de Genève, qui affirme pour la première fois l’existence de droits spécifiques aux enfants.

Cette Déclaration émane des milieux associatifs pacifistes, féministes et humanitaires. En 1919, en Grande-Bretagne, est créé le Save the Children Fund qui regroupe des personnalités issues des milieux pacifistes, libéraux et féministes. Dirigée par deux sœurs, Dorothy Buxton et Eglantyne Jebb, cette association organise des récoltes de dons afin de porter secours aux enfants victimes de la guerre.

En 1920, le Save the Children Fund s'allie à l’Union Internationale de Secours aux Enfants (UISE), dont le siège se situe à Genève, et développe son action internationale avec l’appui du Comité International de la Croix-Rouge (CICR). Le 23 février 1923, l’Union Internationale de Secours aux Enfants adopte, lors de son IVe Congrès général, la première Déclaration des droits de l’enfant. Le texte reconnaît pour la première fois dans l'histoire le droit de l'enfant à son développement, à l’assistance et au secours, et son droit à la protection.

Cette convention n'a pas seulement donné une plus grande légitimité aux associations actives dans la promotion des droits de l'enfant, elle leur a également fourni un outil précieux pour garantir l'application pratique de ces droits.

La régulation du travail des enfants se poursuit également à l'échelle internationale dans le cadre de l'Organisation internationale du Travail qui adopte en 1919 les premières Conventions internationales du travail sur l'âge minimum dans les industries et sur l'interdiction du travail de nuit pour les enfants de moins de 18 ans et les femmes.

Le dernier fait marquant à noter pour la période de l'entre-deux-guerres concerne le renouvellement des réflexions sur l'enfance, une notion dont les contours restent encore flous. Si aujourd'hui le concept d'enfance nous apparaît comme une évidence, pendant longtemps, jusqu'au XVIIe siècle, cette notion n'existait pas, l'enfant étant considéré comme un adulte en miniature. Dans l'entre-deux-guerres, certains médecins cherchent à élargir la définition de l'enfant considéré alors seulement comme un objet de soins et d'attention. L'enfant comme sujet de droit émerge à cette époque et nourrit les actions des associations de défense des droits de l'enfant. Un médecin et philosophe polonais, Janusz Korczak, qui a consacré sa vie à l'éducation et à la protection des enfants, deviendra l'un des principaux défenseurs de cette conception.

Évolution après la Seconde Guerre mondiale

Le mouvement en faveur de la reconnaissance des droits de l'enfant se poursuit après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte caractérisé par une mortalité infantile extrêmement élevée et par des dizaines de millions d'enfants perdus ou ayant perdu un ou deux parents. La mémoire encore vive des massacres perpétrés pendant la guerre a également encouragé le mouvement international en faveur du renforcement des droits de l'enfant.

S'inspirant de la Déclaration des droits de l'enfant de 1923, l'Assemblée des Nations Unies adopte en 1959 la Déclaration sur les droits de l'enfant qui permet de réaffirmer l'existence des droits de l'enfant sur le plan international, dans un contexte marqué par des réflexions menées autour des droits de l’homme.

genevemonde.ch/entries/AVkz94G...

La Déclaration des droits de l'enfant de 1959 reconnaît la vulnérabilité de l'enfant, qui "en raison de son immaturité physique et mentale, a besoin d'une protection spéciale et de soins particuliers, notamment d'une protection juridique appropriée avant et après la naissance". Autre signe de l'importance de cette question sur la plan international, l'ONU crée le Fonds international de secours à l’enfance (UNICEF) en 1946. On doit l'initiative de cette proposition au médecin polonais Ludwik Rajchman, ancien directeur de la Section d'hygiène de la Société des Nations. Jusqu’à aujourd’hui, l’UNICEF est entièrement financé par des contributions volontaires.

À l'OIT, la régulation du travail des enfants disparaît quelque peu des radars de l'organisation après la Seconde Guerre mondiale, les préoccupations étant alors concentrées sur les problèmes de la reconstruction, de la production et de l'emploi. Il faut attendre les années 1970 pour que le problème du travail des enfants, exacerbé par la mondialisation néolibérale, revienne au centre des préoccupations de l'OIT. En 1973, l'OIT a adopté la Convention sur l'âge minimum d'admission à l'emploi (C138) qui fixe l'âge légal d'accès au travail à 15 ans, avec certaines exceptions qui permettent de prendre en compte les réalités économiques et éducatives des pays émergents.

La Convention sur les Droits de l'enfant de 1989

En 1978, le gouvernement polonais prend une nouvelle fois l'initiative dans le domaine des droits de l'enfant. Il soumet un projet de convention sur les droits de l'enfant à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Il faut souligner ici l'engagement de longue date du gouvernement polonais pour l'amélioration de la situation des enfants et la reconnaissance de leurs droits. Cet engagement remonte à la Première Guerre mondiale et aux conséquences des opérations militaires sur les territoires polonais. Les enfants polonais ont souffert de la faim et ont été privés de soins et d'accès à l'éducation. Nombreux ont été également les enfants contraints au travail. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les enfants et leurs parents ont été massivement arrachés à leur famille pour subir l'endoctrinement nazi. Les enfants polonais d'origine juive et tzigane ont été victimes d'extermination. Les autorités nazies ont même créé un camp de concentration pour les enfants, le Kinder KZ qui a fonctionné de 1941 à 1945 en Pologne, où des milliers d'enfants ont perdu la vie.

Cette initiative du gouvernement polonais s'inscrit donc dans une dynamique ancienne de protection de l'enfant, mais elle était aussi l'occasion de prouver aux pays occidentaux que les pays socialistes, comme la Pologne, pouvaient aussi contribuer à faire avancer la cause des droits de l'homme. Cependant, le contexte de guerre froide empêche le projet de prendre forme. L'Assemblée générale des Nations unies proclame toutefois 1979 comme l'Année internationale de l'enfant.

Il faudra attendre une dizaine d'années pour que soit adoptée, en 1989, la Convention sur les Droits de l'enfant. Les débats lors des travaux préparatoires du texte de cette convention témoignent de conceptions très diverses, voire opposées, sur l'enfant et sur l'étendue de ses droits. Cet instrument marque néanmoins la fin d'un long processus de reconnaissance internationale de droits spécifiques à l'enfant.

Dans les années 1990, l'OIT poursuit son combat contre les pires formes du travail des enfants (esclavage, trafic humain) qui persistent aujourd'hui dans de nombreux pays. En 1999, l'OIT adopte la Convention sur les pires formes de travail des enfants (C182), qui vise à éliminer les pires formes de travail des enfants. Dans une interview réalisée par l'équipe de geneveMonde, Kari Tapiola, ancien directeur-général adjoint du Bureau international du Travail, revient sur les grands enjeux du travail des enfants au cours de cette période (genevemonde.ch/entries/9k8zVB5...).

Une année auparavant naissait le mouvement de la Marche mondiale qui a démarré par une marche de 80'000 km, au cours de laquelle des millions de personnes ont défilé pour transmettre au monde un message contre le travail des enfants. La même année, l'OIT invita des représentants de ce mouvement à participer à la Conférence internationale du travail à Genève.

Conclusion

En un siècle, la défense des droits de l'enfant et la régulation du travail des enfants ont donc connu des progrès considérables, même si des formes d'exploitation persistent dans les pays occidentaux également.

En 2021, le nombre d’enfants victimes du travail s’élevait à 160 millions dans le monde. La pandémie de Covid-19 a par ailleurs eu une incidence négative sur le travail des enfants. Selon les estimations de l'OIT et de l'UNICEF, aujourd'hui quelque neuf millions d’enfants supplémentaires sont en danger à cause de la pandémie.

Véronique Stenger pour geneveMonde

Références :

  1. Dahlén, Marianne. The Negotiable Child. The ILO Child Labour Campaign 1919-1973. Uppsala universitet, 2007.
  2. Droux, Joëlle. « L'internationalisation de la protection de l'enfance : acteurs, concurrences et projets transnationaux (1900-1925) », Critique internationale, vol. 52, no. 3, 2011, pp. 17-33.
  3. Heywood, Colin. « Le travail des enfants en Europe (XIXe siècle) », Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe [en ligne], ISSN 2677-6588, mis en ligne le 03/02/22, consulté le 16/02/2023. Permalien : ehne.fr/fr/node/21645
  4. Hofstetter, Rita (dir.) et Droux, Joëlle (dir.). Globalisation des mondes de l'éducation : Circulation, connexions, réfractions (XIXe et XXe siècles). Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2015 (généré le 16 février 2023). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/pur/89995.
  5. Moody, Zoe. « La fabrication internationale des droits de l’enfant : genèse de la Déclaration des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1946-1959) », Relations internationales, vol. 161, no. 1, 2015, pp. 65-80.
  6. Legislative History of the Convention on the rights of the child, OHCHR, Genève. https://www.ohchr.org/Documents/Publications/LegislativeHistorycrc1en.pdf
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