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Dorothy Kenyon, une juriste féministe sur la scène internationale

Dorothy Kenyon, une juriste féministe sur la scène internationale

May, 1948
César Jaquier
UN Media Archives

Le 10 février 1947 à Lake Success, New York, la juge américaine Dorothy Kenyon participe à la première réunion de la Commission sur le statut de la femme (Commission on the Status of Women) des Nations Unies. Selon ses mots, la création de cette commission s’inscrit dans une série de « victoires sur le front international » (1) pour le mouvement des femmes (2) . Entre les années 1930 et les années 1950, Dorothy Kenyon participe à l’histoire du féminisme et de l’internationalisme, une histoire qui s’écrit également depuis Genève.

Faire du droit un moyen d’action

Dorothy Kenyon (1888-1972) nait à New York dans une famille aisée et étudie l’histoire et l’économie au Smith College. Lors d’un séjour d’une année au Mexique en compagnie de son père, elle prend conscience de l’impact de la pauvreté sur les familles et sur les femmes en particulier. Cette expérience inspire à Dorothy Kenyon l’envie d’œuvrer pour la justice sociale, les droits humains et ceux des femmes en particulier. A cette fin, elle choisit la voie juridique et rejoint la New York University School of Law dont elle sort diplômée en 1917. Cette année-là, elle est admise au barreau de New York.

Dorothy Kenyon commence sa carrière professionnelle comme conseillère juridique auprès des délégués américains à la Conférence de la paix de Paris en 1919. Son activité professionnelle, ses engagements et ses publications montrent que le mouvement des femmes est empreint d’échanges et d’influences transnationales (3). Son parcours illustre également comment les nouvelles institutions internationales ont pu servir de tribune pour promouvoir les droits des femmes.

La Société des Nations : étudier le statut juridique des femmes

Le 30 septembre 1937, l’Assemblée de la Société des Nations (SDN), créée au lendemain de la Première Guerre mondiale, décide de procéder à une étude comparative du statut juridique des femmes dans le monde. Dorothy Kenyon est nommée dans le Comité d’experts, composé de femmes et d’hommes de formation juridique (4). Entre 1938 et 1943, elle voyage régulièrement entre New York et l’Europe, notamment Genève, jusqu’à ce que la Seconde Guerre mondiale suspende l’enquête.

Dorothy Kenyon porte un regard mitigé sur les résultats obtenus durant ce mandat. Si elle se félicite que le Pacte de la SDN ait permis l’emploi de nombreuses femmes au sein de son Secrétariat, elle constate que celles-ci ont toujours occupé « les postes les plus obscurs et les moins bien rémunérés » (5). Elle regrette également le manque de coopération des gouvernements dans l’enquête sur le statut juridique des femmes.

Les Nations Unies : promouvoir et médiatiser l’égalité des sexes

Signée à San Francisco le 26 juin 1945, la Charte des Nations Unies proclame le principe de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes (6). Diverses personnalités militent alors pour la création d’une commission spéciale des Nations Unies afin de mettre en œuvre ce principe. Malgré certaines oppositions, la Commission des Nations Unies sur le statut de la femme est créée en juin 1946 avec pour mission de présenter des rapports et des recommandations sur les droits et le statut social, économique et politique des femmes au Conseil économique et social des Nations Unies (7). Nommée comme membre pour les États-Unis, Dorothy Kenyon est active au sein de la commission entre 1946 et 1950.

L’un des premiers objectifs de la commission est d’influencer la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948). Dans les années qui suivent, son activité consiste essentiellement à étudier, promouvoir et défendre l’intérêt des femmes en ce qui concerne le droit de vote, les droits civils, l’accès à l’éducation et les possibilités de travail. Contrairement au Comité d’experts de la Société des Nations, la Commission des Nations Unies sur le statut de la femme ne se contente plus de mener des enquêtes, comme l’explique Dorothy Kenyon. Si la commission n’a pas de réel pouvoir d’action juridique ou politique, elle met à profit sa capacité de sensibilisation et de promotion, en recourant à tous les moyens de communication possibles (8).

Pendant son mandat à la commission, Dorothy Kenyon entretient des relations compliquées avec le Gouvernement des États-Unis. Tandis qu’elle milite pour que le Département d’État adopte une attitude proactive en matière de droits des femmes, ce dernier maintient une positon timide, laissant Dorothy Kenyon penser qu’il n’a pas l’intention de traiter la question sérieusement (9).

Au cours des décennies suivantes, et jusqu’à aujourd'hui, la Commission sur le statut de la femme poursuit ses activités en élaborant des conventions internationales destinées à lutter contre les discriminations et à sensibiliser l’opinion publique aux enjeux liés à l’égalité entre les hommes et les femmes.

César Jaquier

Photo: La Commission des Nations Unies sur le statut de la femme ouvre sa deuxième session en mai 1948. Deux membres de la Commission des Nations Unies sur le statut de la femme sont Mme Isabel de Urdaneta, Venezuela, à gauche, et Mlle Dorothy Kenyon, États-Unis. UN Photo/Kari Berggrav.

Références:

  1. Dorothy Kenyon, « Victories on the International Front », The Annals of the American Academy of Political and Social Science, Volume 251 (mai 1947), pp. 17-23.
  2. Elisabeth Joris: « Mouvement des femmes », in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 06.12.2022, traduit de l’allemand. https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/016497/2022-12-06/, consulté le 15.07.2023.
  3. Kate Weigand et Daniel Horowitz, « Dorothy Kenyon: Feminist Organizing, 1919-1963 », Journal of Women's History, Volume 14, Numéro 2 (2002), pp. 126-131.
  4. Archives de la Société des Nations, « Statut de la femme : nomination d’un comité d’exports. Rapport du Président du Conseil », Genève, 26 janvier 1938. https://archives.ungeneva.org/statut-de-la-femme-nomination-dun-comite-d-experts-rapport-du-president-du-conseil
  5. Dorothy Kenyon, op. cit., p. 18.
  6. Préambule de la Charte des Nations Unies, 26 juin 1945. https://www.un.org/fr/about-us/un-charter/full-text
  7. Journal du Conseil économique et social des Nations Unies, Première année, N°29, 13 juillet 1946 : https://www.un.org/womenwatch/daw/csw/pdf/CSW_founding_resolution_1946.pdf
  8. Dorothy Kenyon, « Victories on the International Front », op. cit.
  9. Helen Laville, “Protecting difference or promoting equality? US Government approaches to women’s rights and the UN Commission on the Status of Women, 1945–50”, Comparative American Studies: An International Journal, Vol. 5, N°3 (2007), pp. 291-305; Voir également: Kate Weigand, Daniel Horowitz, « Dorothy Kenyon: Feminist Organizing, 1919-1963 », op. cit.
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César Jaquier
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Jul 28th, 2023
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