Mettre la guerre hors la loi, Aristide Briand le "pèlerin de la paix"
Mettre la guerre hors la loi, Aristide Briand le "pèlerin de la paix"
Aristide Briand (1862-1932), homme politique français et internationaliste convaincu, est une personnalité marquante dans l'histoire du rapprochement franco-allemand et plus largement de la construction de la paix en Europe.
Après la Première Guerre mondiale, Aristide Briand est nommé ministre des Affaires étrangères, une première fois en 1921, puis entre 1925 et 1932. Dans cette fonction, il marque durablement la politique étrangère de la France notamment vis-à-vis de l'Allemagne. Première pierre de son ambition de paix pour l'Europe, Briand signe en octobre 1925 les accords de Locarno par lesquels l’Allemagne reconnait ses frontières occidentales avec la garantie de la Grande-Bretagne et de l’Italie. Cette action lui vaut le prix Nobel de la Paix qui lui est attribué en 1926, ainsi qu'à son homologue allemand Gustav Streseman. Bien qu'il ait perçu la fragilité de ces accords (qui ne réglaient pas les frontières orientales de l'Allemagne), Briand espérait que "l'esprit de Locarno" contribuerait à normaliser les relations avec l'Allemagne et à limiter ses possibilités d'actions révisionnistes. Il salue ainsi l'entrée de l'Allemagne à la Société des nations en 1926, événement dans lequel il voit le triomphe du droit international et de l'arbitrage et un pas supplémentaire vers la paix. Cette même année, il prononce un discours vibrant à l'Assemblée de la Société des nations dans lequel il déclare:
"Messieurs, la paix, pour l'Allemagne et pour la France, cela veut dire : c'est fini de la série des rencontres douloureuses et sanglantes dont toutes les pages de l'Histoire sont tachées; c'en est fini de longs voiles de deuil sur des souffrances qui ne s'apaiseront jamais; plus de guerre, plus de solutions brutales et sanglantes à nos différends ! Certes, ils n'ont pas disparu, mais, désormais, c'est le juge qui dira le droit. Comme les individus, qui s'en vont régler leurs difficultés devant le magistrat, nous aussi nous réglerons les nôtres par des procédures pacifiques. Arrière les fusils, les mitrailleuses, les canons ! Place à la conciliation, à l'arbitrage, à la paix! Un pays ne se grandit pas seulement devant l'Histoire par l'héroïsme de ses enfants sur les champs de bataille et par les succès qu'ils y remportent. […] "
Aristide Briand fut un défenseur infatigable de la paix et du désarmement et profita à de nombreuses reprises de la tribune de l'Assemblée de la SDN pour défendre ses idées. En 1928, il parvient à faire adopter le pacte "Briand-Kellog", conclu le 27 août 1928, par lequel les parties condamnent le recours à la guerre pour le règlement de leurs différends. La guerre est d'une certaine manière mise "hors la loi". Cependant, sa nature non contraignante n'empêchera pas le Japon d'envahir la Mandchourie en 1931 ou encore l'Italie d'envahir l’Éthiopie en 1935.
Briand milite également en faveur du désarmement au sein de la Société des nations. Le 7 septembre 1929, il prononce un discours dans lequel il salue l’œuvre de la SDN, malgré les nombreuses résistances qu'elle suscite. Dans l'extrait que nous avons retrouvé dans les archives de la RTS, Briand cherche à convaincre les délégués d'adopter un accord international en faveur du désarmement. Il déclare:
"Je viens cette année, comme les précédentes, apporter à cette tribune un acte de foi sincère et ardent dans la Société des nations. La Société des nations, dès ses premiers pas dans une atmosphère de doute et de ridicule. Elle s'est constituée, elle a marché, elle a travaillé, elle a rendu des services, elle a donné confiance. Et aujourd'hui malgré tout, elle a poussé dans la conscience des peuples des racines trop profondes pour que quelque coup de vent sur le haut de ses frondaisons puisse l'ébranler dans ses fondements. [...] Plus de guerre. Nous n'acceptons pas que dans aucun cas, pour aucune cause, dans aucune circonstance, la guerre que nous avons cloué au pilori comme un crime, puisse se réveiller contre les peuples."
Aristide Briand a aussi su adroitement utiliser la Société des nations pour faire avancer l'idée d'une Europe unie. Lors de son discours à la SDN de 1929, Briand soumet ainsi une proposition ambitieuse : la création d'une sorte de lien fédéral entre les peuples européens, projet dans lequel il voit une nouvelle possibilité de contraindre l'Allemagne. Il reprend cette proposition en mai 1930 et soumet un projet à la Société des Nations sous la forme d’un Memorandum sur l’organisation d’un régime d’Union fédérale européenne. Ce projet, qui rencontre beaucoup d'hostilités, est quasiment mort-né, notamment en raison de la crise économique mondiale et de la victoire du parti nazi aux élections allemandes de 1930.
Aristide Briand, infatigable "pèlerin de la paix" meurt deux ans plus tard, sans doute rempli d'amertume en pensant à la vanité de ses efforts pour empêcher le réarmement de l'Allemagne et la guerre de ravager à nouveau le continent européen.
Véronique Stenger.
Pour aller plus loin:
Bariéty, Jacques. Aristide Briand, la Société des Nations et l’Europe : 1919-1932. Strasbourg: Presses univ. de Strasbourg, 2007.
Une liste de publications (datées) est également disponible sur ce lien : http://aristidebriand.eu/recherches-et-publications/
Légende photo: Aristide Briand le 10 septembre 1926, discours à la SDN (Collection agence de presse Rol, Copyright Gallica.bnf.fr, Bibliothèque nationale de France).
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