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L'espoir des éclaireuses à Genève: rapprocher les peuples et les nations

September 3rd, 2024
César Jaquier
César Jaquier

Illustration de couverture : dans le parc de l’Ariana, Helen Champary (à gauche), l’une des premières éclaireuses suisses, répète un chant avec d’autres éclaireuses du monde entier. Photographe inconnu. BGE

« Une réunion internationale quelque peu différente de celles que Genève a l’habitude de recevoir, a eu lieu du 5 au 16 août dernier, au parc de l’Ariana. » C’est ainsi qu’Yvonne Achard, l’une des pionnières du scoutisme féminin à Genève, commence son récit du camp international des éclaireuses qui se tient en août 1927 dans la ville du bout du lac.

Cet été là, le parc de l’Ariana accueille des délégations de scouts féminines provenant de 22 pays pour un camp de deux semaines. Organisé par la première génération d’éclaireuses suisses, l’événement a pour ambition de contribuer au rapprochement des peuples et des nations, en accord avec les idéaux de la Société des Nations.

Girl Scouts, scoutisme féminin à Genève

Au tournant du XXe siècle, le scoutisme s’affirme rapidement comme le plus grand mouvement de jeunesse au monde. A Genève, seulement quatre ans après la création du premier groupe scout de Suisse romande, au Grand-Lancy, le mouvement des Girl Scouts est fondé en 1915 sous l’initiative d’Yvonne Achard, Constance Lederrey et Irène Cuénod. Conformément aux principes de Robert Baden-Powell, le fondateur anglais du scoutisme, les scouts genevois se structurent selon une stricte séparation des sexes. Le mouvement des éclaireuses prend rapidement de l’ampleur, passant de plus d’une centaine de membres en 1916 à plus de deux-cents au lendemain de la Première Guerre mondiale(1).

Claude Zurcher
BGE - Les éclaireuses du monde se rencontrent à Genève, à l'Ariana en 1927
1927
BGE - Les éclaireuses du monde se rencontrent à Genève, à l'Ariana en 1927

Légende: Dans le parc de l’Ariana, Helen Champary (à gauche), l’une des premières éclaireuses suisses, répète un chant avec d’autres éclaireuses du monde entier. Photographe inconnu. BGE.

Les éclaireuses genevoises promeuvent les valeurs d’entraide, de dynamisme et de patriotisme qui caractérisent le scoutisme. Sous la supervision de Ketty Jentzer, institutrice d’éducation physique, elles suivent divers enseignements et participent à de nombreuses activités en plein air, traditionnellement réservées aux hommes. Dans les années 1920, toutefois, le mouvement se réoriente vers des activités visant à préparer les jeunes filles à leur futur «rôle de mère», réaffirmant ainsi des valeurs familiales conservatrices (2) .

Un village de tentes à l’Ariana

Organisé par Valentine van Muyden, commissaire internationale des éclaireuses en Suisse, et Essex Reade, présidente du Conseil international des éclaireuses à Londres, un véritable camp voit le jour en ce mois d’août 1927. Le parc de l’Ariana se couvre de 83 tentes qui accueillent près de 320 éclaireuses venues d’une vingtaine de pays différents. «Mont-Blanc», «Cervin», «Jungfrau», ou encore «Dent-Blanche» ; chaque groupe d’éclaireuses s’est donné le nom d’une montagne pour sobriquet. Avec un brin de paternalisme, mais surtout beaucoup d’admiration, le journaliste Raoul Priva salue ce rassemblement qu’il n’aurait pas imaginé possible deux décennies plus tôt. Il résume l’ambiance en ces termes : «Là, en effet, c’est la vie saine, forte et joyeuse (3).»

Au programme : réveil à 7 h., ablutions, gymnastique matinale, petit déjeuner, puis travaux divers. A 10h30, lever du drapeau suisse, suivi d’un moment de recueillement pour les éclaireuses protestantes et catholiques. La journée continue avec des discussions thématiques et se termine par des conférences et des visites l’après-midi (4).

Légende: L’infirmerie du camp international des éclaireuses, administrée par la doctoresse Claire Debarge et par Elsie Cuenod. Les personnes sur la photo n’ont pas pu être formellement identifiées. Photographe inconnu. BGE.

Tisser des liens

Le premier soir, Yvonne Achard reçoit les délégations autour d’un feu de camp en exprimant sa joie de «les accueillir sur ce territoire de Genève, où siège la [Société des Nations], dont l’idéal est cher à toutes les éclaireuses (5).» L’organisation du camp à Genève n’est pas le fruit du hasard. En effet, Valentine van Muyden, la principale organisatrice, a des contacts étroits avec Genève et ses institutions internationales, notamment avec les fonctionnaires britanniques de la Société des Nations. Après avoir reçu les fondateurs du scoutisme, Robert et Olave Baden-Powell, à Genève en 1923, elle met sur pied ce camp pour montrer que les éclaireuses du monde entier peuvent participer aux efforts de la Société des Nations pour rapprocher les peuples (6).

Au cours des deux semaines, les éclaireuses visitent la Société des Nations et le Bureau international du travail. Elles profitent également de leur séjour pour faire connaissance (7). Le camp s’inscrit ainsi dans l’idéal «internationaliste» du début du XXe siècle, qui voit dans les voyages, le commerce, le sport et la culture des moyens de tisser des liens par-delà les frontières (8). Le journaliste Priva s’émerveille de la capacité des éclaireuses à communiquer et collaborer malgré leurs langues différentes. Le camp, dit-il, «a prouvé qu’en se proposant de travailler au rapprochement des peuples, tout en exaltant le patriotisme du chacun, les Eclaireuses ont choisi la bonne méthode et qu’elles ont entrepris une tâche qui n’est pas au-dessus de leurs forces. (9)»

  1. 1Anne-Françoise Praz et Christian Schiess, « Les origines du scoutisme et son implantation à Genève : entre « nature de l’enfant » et intérêt des élites », Former envers et contre le genre, édité par Isabelle Collet et Caroline Dayer (Louvain-la Neuve : De Boeck, 2014), pp. 173-194.
  2. Ibid.
  3. Raoul Priva, « Le camp international des Eclaireuses », Journal de Genève, 14 août 1927, pp. 1-2.
  4. Yvonne Achard, « Le Camp international des éclaireuses de Genève », Le mouvement féministe, Vol. 15, No. 266 (1927), pp. 131-132.
  5. « Le camp international des éclaireuses », Journal de Genève, 6 août 1927, p. 6.
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César Jaquier
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Sep 11th, 2024
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