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Décolonisation/coopération, un dialogue tronqué? Par Stéphane Hessel - Rencontres internationales de Genève (5/8)

September 16th, 1963
Rencontres internationales de Genève

Un dialogue dans la décolonisation est-il possible? C'est la question à laquelle tente de répondre Stéphane Hessel, écrivain, militant politique de gauche et diplomate français, lors d'une conférence donnée à l'occasion des Rencontres internationales de Genève organisées en 1963. Cette conférence a été diffusée le 16 septembre 1963 sur le premier programme radio de la RTS.

Sur le thème "Dialogue ou violence ? : Nouvelles bases d'une solidarité", la conférence de Stéphane Hessel pose une question essentielle, à savoir la violence des processus de colonisation et de décolonisation, perçus comme des traumatismes de l'histoire, peut-elle engendrer un dialogue sincère avec l'Occident? Une solidarité dans la décolonisation est-elle possible?

Stéphane Hessel était sans doute bien armé pour tenter d'apporter une réponse à cette épineuse question. Né en 1917 et mort en 2013, Stéphane Hessel a vécu et observé les grands bouleversements qui ont marqué le XXe siècle. Témoin de la violence inouïe qui a déchiré l'Europe lors de la Seconde Guerre mondiale, qui l'amène sur la voie de la résistance puis plus tard du militantisme, Stéphane Hessel s'oriente, après la guerre, vers une carrière diplomatique. Il s'engage alors activement dans la politique de développement de la France en Afrique noire entre les années 1950 et les années 1990. En 1957, il est nommé directeur de la Coopération technique au ministère des Affaires étrangères et en 1969, il prendra le poste de directeur des Nations Unies et des organisations internationales au ministère des Affaires étrangères.

La nouvelle solidarité, c'est d'abord un rêve

Partant du constat que l'action de la coopération et du développement est encore largement "engluée dans toutes les formes anciennes de la mauvaise foi", c'est-à-dire où "la générosité de l'imagination" s'accompagne le plus souvent "d'une confortable inertie dans l'action", Stéphane Hessel, réfléchit alors à la possibilité de construire une solidarité nouvelle, sociale, dans le contexte des décolonisations. Cette nouvelle solidarité, il en parle d'abord comme d'un rêve, "qui anime ma génération en Occident et qui anime davantage les générations plus jeunes". Ce rêve c'est de voir les pays nouvellement émancipés atteindre un niveau d'épanouissement et de développement, dans une liberté et une égalité équivalentes à l'expérience européenne. Ce rêve fait écho aux aspirations de la gauche française de l'époque - en particulier au sein du Parti socialiste unifié dont Hessel fait partie - pour une réforme profonde de la structure des Etats européens, pour davantage de solidarité à l'intérieur de la communauté nationale et pour l'émancipation des classes défavorisées.

Alors Hessel nous explique que l'expérience des pays décolonisés ne ressemble en rien à ce rêve, une constation qui s'accompagne d'un profond scepticisme. Deux possibilités s'offrent à nous : aller à la racine des sentiments pour éliminer les traumatismes de l'histoire comme nous inviterait à le faire un Henri Bergson, ou, et c'est la voie que nous invite à prendre Stéphane Hessel, trouver les bases qui nous rassemblent pour favoriser le dialogue. Poète, élève de Sartre, Stéphane Hessel se range du côté d'une philosophie de l'engagement. Militant il a été, militant il restera.

Le scepticisme se transforme en solidarité vécue qui ne s'interroge plus sur ses objectifs mais se désespère de la faiblesse des moyens mis à sa disposition

Dans le contexte de la décolonisation, les tentatives de dialogue témoignent de l'ambiguïté des relations avec l'ancienne métropole, où l'indépendance ne permet pas de se libérer complètement de l'exploitation et de l'oppression. La solidarité internationale selon Stéphane Hessel doit permettre d'aller au-delà. Stéphane Hessel nous invite d'abord à dépasser le scepticisme qui caractérise les politiques internationales de développement, dépassement rendu possible selon lui par la coopération technique, qui permet le passage vers une solidarité vécue "qui ne s'interroge plus sur ses objectifs mais se désespère de la faiblesse des moyens mis à sa disposition". Cette expérience vécue favorise le dialogue, mais cela ne siginifie pas pour autant la naissance d'une solidarité internationale.

Si Stéphane Hessel est un rêveur, il n'est pas naïf. Il sait que l'expérience de la solidarité ne suffit pas à "rétablir les équilibres détruits". Il comprend aussi que la relation décolonisation-coopération peut produire un dialogue tronqué, du fait des profonds clivages créés par la violence de la colonisation. Pour que la nouvelle solidarité, la solidarité sociale, la solidarité vraie puisse se réaliser, il faut donc aussi créer de l'interdépendance économique. C'est porté par cette idée que Stéphane Hessel appelle de ses voeux l'avènement d'une économie globale planifiée, qui respecte les valeurs de la solidarité internationale.

Une écoute très intéressante donc, où l'on entend Stéphane Hessel exposer certaines des idées qui nourriront ses propositions d'une refonte de l'économie mondiale, exposées au début des années 1970 dans un contexte d'extraordinaire difficulté (voir cette archive audio-visuelle de l'INA).

Véronique Stenger, pour geneveMonde

Consulter également le site des Rencontres internationales de Genève

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Jul 27th, 2023
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