Louis-Ferdinand Céline, un fonctionnaire à la SDN...devenu écrivain antisémite
Louis-Ferdinand Céline, un fonctionnaire à la SDN...devenu écrivain antisémite
Un été de lecture: la Genève internationale dans les romans
Après une série estivale dédiées aux archives sonores des Rencontres internationales de Genève en 2023, geneveMonde.ch se consacre, pour cette nouvelle série d'été, à des écrivaines et des écrivains qui se sont inspirés de la Genève internationale ou qui ont eu un lien personnel avec elle.
Louis-Ferdinand Céline (1894-1961)
Le 9 mars 2004, l'émission Horloge de sable est consacré à Louis-Ferdinand Céline, et diffuse deux célèbres entretiens de l'écrivain. Le premier enregistré en mars 1955 avec Robert Sadoul, et le second avec Louis-Albert Zbinden, diffusé le 25 juillet 1957. Illustration de l'audio: portrait de Louis-Ferdinand Céline, années 1920.
Grand écrivain, connu pour son style littéraire innovant et son écriture brutale, Céline a mené une vie marquée par des expériences internationales qui ont largement influencé son œuvre. Avant la publication de Voyage au bout de la nuit en 1932, Céline a travaillé comme médecin hygiéniste à la Société des Nations à Genève, entre 1924 et 1927. Au début de cette émission de l'Horloge de sable, Céline fait référence à ses années genevoises.
Le passage de l'écrivain à Genève a laissé quelques traces dans les archives de la Société des Nations. L’ensemble de cette documentation, qui comprend 364 documents numérotés, a été rassemblé par Théodore Deltcher Dimitrov, dans un volume intitulé Louis-Ferdinand Céline (Docteur Destouches) à la Société des Nations (1924-1927), publié en 2001. Parmi les documents exceptionnels que contiennent les archives de la SDN, un tapuscrit de 13 pages rédigé pour un article destiné à la revue La Presse médicale (1).
Biographie de l’auteur:
Louis-Ferdinand Céline, né Louis Ferdinand Auguste Destouches le 27 mai 1894 à Courbevoie, est l'un des écrivains les plus controversés du XXe siècle. Issu d’une famille de petits commerçants parisiens, il entame un apprentissage en bijouterie à partir de 1909. Il quitte ensuite la France à l'âge de 18 ans pour travailler à Londres. En 1912, il s'engage volontairement dans l'armée française et est grièvement blessé lors des combats dans les Flandres, qui le laissent mutilé à 80%. Son engagement lui vaudra la médaille militaire.
Après la guerre, il reprend ses études de médecine et obtient son doctorat en 1924. La même année, la fondation Rockefeller finance son poste de médecin à la Société des Nations, où il travaille de 1924 à 1927, sous la direction du Dr. Ludwig Rajchman, un Juif polonais, directeur de la Section d’Hygiène. A la SDN, Céline, qui n’est alors encore que le Dr. Destouches, est chargé de plusieurs missions sanitaires internationales, notamment en Afrique et aux Etats-Unis.
Son expérience à la SDN n’est pas à l’origine de son antisémitisme. Selon Pierre-André Taguieff et Annick Durafour, qui ont rédigé une étude approfondie sur les origines de l’antisémitisme de Céline, il faut en chercher les racines du côté de son milieu familial, où les préjugés contre les Juifs sont bien présents et s’expriment librement, mais en privé (2). Son passage à la SDN lui sert néanmoins de cadre pour certaines de ses œuvres antisémites. Dans L’Eglise, unique pièce de théâtre parue en 1933, une partie de l’action se déroule à Genève au siège de la Société des Nations, dirigée par des Juifs au physique caricatural. Céline s’inspire ici du cosmopolitisme international et des fonctionnaires internationaux pour dénoncer ce qu’il perçoit comme une domination juive sur le monde. Rappelons qu'à l'époque, dans la mythologie antisémite, la Société des Nations est très souvent dénoncée comme une création et un instrument de l’Internationale maçonnique, associée à l’Internationale juive.
Céline quitte Genève en 1927 et espère pouvoir poursuivre une carrière en France en tant que directeur d’un dispensaire, mais n’obtient qu’un poste de médecin salarié au dispensaire de Clichy. Collaborateur durant la Seconde Guerre mondiale, il est nommé médecin-chef de dispensaire dans la banlieue parisienne en 1940. Après la guerre, il s’exile au Danemark. En 1951, il est amnistié et revient en France pour poursuivre sa carrière d'écrivain. Il meurt à Meudon en 1961.
Véronique Stenger
- Voir l'article dans Le Temps publié le 15 août 2017.
- Annick Duraffour et Pierre-André Taguieff, Céline, la race, le Juif. Légende littéraire et vérité historique, Paris, Fayard, 2017.
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Bonjour
Merci pour ce partage.
Et voici encore une audio, accompagnée d'une excellente description concernant ce personnage " Céline " vu par Guillemin
rts.ch/archives/1957/audio/lou...
Amicalement Renata