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Nikita Khrouchtchev dans l'ombre de l'«esprit de Genève» Featured

July 17th, 1955
Pascal Praplan

Dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, il reste bien des questions fondamentales à régler en Europe : réunification de l’Allemagne, désarmement, sécurité… La diplomatie n’a pourtant point chômé, depuis 1945, et les rencontres se sont multipliées à tous les niveaux. Mais tensions et suspicions restent hautes entre les principaux acteurs de l’Ouest – essentiellement les USA, la Grande-Bretagne et la France, qui trouve peu à peu sa place dans le « club » – et de l’autre côté l’URSS. L’on parle alors, pour l’ensemble de ces acteurs, des « quatre Grands ».

Les archives de la RTS
L'arrivée de Khrouchtchev à Cointrin (sans son)
July 17th, 1955

Début 1955, la Grande-Bretagne propose de réunir « une conférence à quatre à l’échelon suprême » (1), proposition qui obtient l’assentiment des Etats-Unis (2). Les dates sont arrêtées (18 au 22 juillet) et l’on évoque déjà la Suisse comme lieu de rencontre, les Occidentaux proposent Lausanne, mais les Soviétiques Vienne, pour finir par accepter Genève (3). Dès lors, les préparatifs s’organisent, pour l’accueil des délégations, mais surtout, pour le « très coûteux dispositif de sécurité [que nécessitent] ces participants prestigieux » (4) – dispositif qui sera délégué, par la Confédération, au canton de Genève (5).

Un homme bien discret

A trois reprises, ce 16 juillet à Cointrin, la cérémonie d’accueil des « Grands » se déroule selon un scénario identique : fanfare, passage en revue de la troupe, discours… Le président de la Confédération Max Petitpierre reçoit tout d’abord Anthony Eden, premier ministre britannique, puis le président du Conseil français Edgar Faure, et enfin le président américain Dwight Eisenhower dans une débauche d’hélicoptères, de jeeps et de « G-men » (6). Les Soviétiques, eux, n’arrivent que le lendemain.

La délégation russe est menée par Nikolaï Boulganine, président du Conseil des ministres de l’URSS. Il s’y trouve aussi un certain… Nikita Khrouchtchev, qui n’était pas encore annoncé quatre jours plus tôt. Étonnamment, la venue du tout puissant secrétaire général du Parti communiste d’URSS n’émeut guère. On remarque juste que « le président du Conseil soviétique n’aura pas à téléphoner constamment au secrétaire général du parti qui se trouve sur place » (7). Et on se pose également quelques questions sur le protocole des places à table, lors du dîner diplomatique offert par le Conseil fédéral au palais Eynard… (8)

Comment s’adresser à M. Khrouchtchev ?

Quelques journalistes interpellent tout de même le porte-parole de la délégation soviétique sur la position de M. Khrouchtchev, mais « M. Ilytchev est un maître dans l’art d’esquiver les questions » : il renvoie les curieux aux journaux soviétiques en vente dans la Maison de la presse. Les journalistes insistent :

– Et si je rencontre M. Khrouchtchev, comment dois-je lui adresser la parole ? [demande l’un d’eux]. M. l’ambassadeur ? M. le ministre ?

– M. Khrouchtchev est membre du Praesidium du Soviet Suprême de l’Union des Républiques socialistes soviétiques.

– C’est beaucoup trop long !

– Alors dites qu’il est membre de la délégation soviétique. (9)

De toute évidence, Nikita Khrouchtchev ne veut – ou ne peut – pas apparaître comme l’homme fort du Kremlin à Genève…

Un « esprit de Genève » impuissant

Quant à la Conférence des Quatre ou Sommet de Genève, malgré une certaine bonhommie de la délégation russe qui laissait croire à des progrès possibles – voire, dans certains milieux, à une « capitulation » soviétique devant l’Occident, elle ne déboucha sur aucun accord. Quelques mois plus tard, Max Petitpierre avoua que rétrospectivement, «l'atmosphère d'euphorie qui régnait autour des quatre Grands» à cette occasion lui avait paru «singulièrement artificielle»… (10)

  1. Au niveau des chefs de gouvernement, accompagnés ici par les ministres des Affaires étrangères de chaque pays.
  2. Journal de Genève du 26 mai 1955., p.6.
  3. Gazette de Lausanne du 14 juin 1955, p.8.
  4. « Sommet de Genève (1955) », Documents diplomatiques suisses, dodis.ch/fr/sommet-de-geneve-1...
  5. Idem, dodis.ch/12794
  6. Abréviation de « Government men », où agents de sécurité gouvernementaux américains. Gazette de Lausanne du 18 juin 1955, p.1.
  7. Journal de Genève du 15 juillet 1955., p.10.
  8. Journal de Genève du 16 juillet 1955., p.6.
  9. Échange rapporté par le Journal de Genève du 20 juillet 1955, p.3.
  10. Documents diplomatiques suisses, dodis.ch/32114
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Pascal Praplan
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Jun 7th, 2023
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