Ouverture de la Conférence de paix sur le Proche-Orient
Ouverture de la Conférence de paix sur le Proche-Orient
Dans un encadré de son édition du 21 décembre 1973, jour d'ouverture de la conférence de paix sur le Proche-Orient, le Journal de Genève précise que la Télévision suisse romande retransmettra dès 10h la cérémonie d'ouverture de la Conférence et les discours qui "seront prononcés par les différentes personnalités à cette cérémonie.
geneveMonde.ch met en ligne ce document qui n'avait jamais été accessible depuis sa première diffusion, le 21 décembre 1973.
La Conférence a pour objectif d’ouvrir un processus de négociations suite à la guerre du Kippour d’octobre 1973, qui a vu la victoire d’Israël sur la coalition militaire conduite par l’Égypte et la Syrie.
Seuls les ministres des Affaires étrangères de l’Égypte, de la Jordanie et d’Israël sont présents. La place de la Syrie reste vide, au motif que si l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) n’était pas invitée, Damas ne participerait pas à ces discussions à l’ONU. Or Israël et les États-Unis ne reconnaissant pas l’OLP, la Syrie a fait savoir quelques jours plus tôt, à la suite de la tournée préparatoire de Henry Kissinger à Damas, son refus d’être présente à Genève.
Sur ce document de la RTS interviennent Kurt Waldheim, Secrétaire général des Nations unies**, Andreï Gromyko**, ministre des Affaires étrangères de l'URSS et co-président de la conférence, Henry Kissinger, Secrétaire d'État des États-Unis, Ismail Fahmi, ministre égyptien des Affaires étrangères, Abdel Moneim Rifai, ministre jordanien des Affaires étrangères et Abba Eban, ministre israélien des Affaires étrangères,
Pour Kurt Waldheim, le seul fait que cette conférence ait lieu donne au monde une raison d'espérer et «une occasion unique de s'attaquer à un problème international extrêmement difficile, dangereux et compliqué (...). Si cette occasion n'est pas saisie, le monde sera inévitablement confronté de nouveau à une situation périlleuse et hautement explosive au Proche-Orient. A défaut de progrès, le cessez-le-feu et les arrangements pris par les Nations unies demeureront fragiles et la menace de voir reprendre les combats restera toujours présente. »
L'Union soviétique n'est pas hostile à l'État d'Israël et a voté à l'ONU en faveur de sa création. Mais ce que nous condamnons est l'annexion de territoires appartenant à d'autres peuples. Andreï Gromyko, ministre des Affaires étrangères de l'URSS
Andreï Gromyko, appuie la «juste lutte des États arabes» et Israël ne peut rester dans les territoires occupés. L'Union soviétique, a-t-il poursuivi, comprend parfaitement cette situation et soutient les pays arabes. «L'Union soviétique n'est pas hostile à l'État d'Israël et a voté à l'ONU en faveur de sa création. Mais ce que nous condamnons est l'annexion de territoires appartenant à d'autres peuples.» Et Andreï Gromyko d'appeler à trouver une solution à la question des territoires occupés. « Notre position a toujours été claire et cohérente : la paix et la sécurité pour tous les peuples de cette région. Cela sous-entend, naturellement, que la justice sera garantie au peuple arabe de Palestine. Ses droits légitimes doivent être respectés. Il est évident que le problème palestinien ne peut être débattu, ni réglé, sans la participation des représentants du peuple arabe de Palestine. »
Prenant la parole après le représentant de l'URSS, Henry Kissinger a rappelé «que si un règlement au Proche-Orient est dans l'intérêt de nous tous, ce sont les populations de la région qui vivront avec les résultats de ce règlement. Il faut donc, en fin de compte, qu'il soit acceptable par elles (...). Après les entretiens prolongés que j'ai eus avec les hommes politiques du Proche-Orient, je crois que la première tâche de cette conférence devrait être de parvenir à un accord sur la séparation des forces militaires en présence, et je vois que cet accord est possible.»
Ismail Fahmi, le chef de la délégation égyptienne, a rappelé l'expulsion des Palestiniens «d'une terre à laquelle ils étaient étroitement liés». «Si Israël ne comprend pas la signification profonde de la tâche que nous devons accomplir, alors il est bien peu probable qu'une conférence de ce genre puisse se réunir à nouveau. Alors il faudra envisager le recours à d'autres moyens pour obtenir l'évacuation des territoires et faire en sorte que les Palestiniens sortent de la condition qui est la leur depuis un quart de siècle. »
Nous assistons aujourd'hui au déni total non seulement contre l'existence d'un État, mais aussi contre sa personnalité. Il faut rejeter la notion qu'Israël est étranger au Proche-Orient» Abba Eban, ministre israélien des Affaires étrangères
Zeid Rifai, Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de Jordanie a, lui, dénoncé la position israélienne. « Comment Israël pourrait-il être accepté dans la région arabe et vivre en paix avec nous tant qu'il se comportera comme un étranger, et un étranger hostile? Depuis vingt-cinq ans, Israël n'a pas réussi à être, à quelque degré que ce soit, accepté et aimé par ses voisins arabes. On a planté en terre arabe les germes de l'oppression. Ils se sont développés en haine (...) Nous ne sommes pas disposés à conclure un règlement partiel quelconque qui irait à l'encontre des droits de nos frères arabes. »
Enfin, Abba Eban, ministre israélien des Affaires étrangères, a dénoncé «le déni total auquel on assiste aujourd'hui, non seulement contre l'existence d'un État, mais aussi contre sa personnalité. Il faut rejeter la notion qu'Israël est étranger au Proche-Orient». Pour Israël, la question fondamentale dans les pourparlers de paix est celle de la sécurité a-t-il prévenu: «les négociations de Genève pourraient progresser par étapes vers un règlement définitif après leur phase inaugurale, mais la conférence ne saurait se contenter d'un accord qui resterait en deçà d'une paix permanente et totale.»
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Kurt Waldheim a été Secrétaire général des Nations unies de 1972 à 1981 et celui de président de l'Autriche de 1986 à 1992. Cependant, pendant et après sa présidence, des allégations ont été faites sur son implication présumée dans des activités nazies pendant la Seconde Guerre mondiale. Suite aux révélations sur son passé nazi, Waldheim a effectivement été déclaré persona non grata dans certains pays, notamment aux États-Unis, qui lui ont interdit l'entrée sur leur territoire. A la fin de son mandat présidentiel en 1992 Waldheim ne s'est pas représenté à la présidence autrichienne. Sa réputation d'ancien nazi lui a collé à la peau jusqu'à sa mort en juin 2007.